Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 septembre 2022 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2023- Audition de Mm. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et gabriel attal ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson, rapporteur général :

Nous apprécions la présence des deux ministres pour l'examen des textes financiers au Sénat. En ce début de quinquennat, j'y vois, d'une certaine manière, un changement de méthode.

Ma lecture concernant la croissance est moins optimiste que celle du président de notre commission. Les économistes prévoient pour nombre d'entre eux une croissance proche de 0 % tandis que votre prévision s'élève à 1 %. Quelles sont les raisons, messieurs les ministres, qui vous conduisent à cet optimisme ? Si malheureusement la croissance ne devait pas être aussi favorable, nous pourrions payer pendant un certain temps le scénario macroéconomique que vous aurez retenu.

Deuxièmement, le Haut Conseil des finances publiques constate, en excluant les mesures prises en lien avec la crise sanitaire ou la hausse de l'inflation et la crise de l'énergie, que la dépense en volume devrait croître de près de 1 % entre 2022 et 2023. Or une croissance de 1 % ne fait pas une baisse ! Vous évoquez une baisse de la dépense publique entre 2022 et 2023.

Troisièmement, le projet de loi de programmation des finances publiques remplace les dépenses pilotables par un « périmètre des dépenses de l'État » qui inclut, cette fois, les prélèvements sur recettes à destination de l'Union européenne et des collectivités territoriales. En fait, vous renversez le sablier. Alors que lors du premier quinquennat vous aviez exclu les collectivités locales, vous les replacez à présent dans la trajectoire. Je vous alerte sur ce point. Quelles sont donc les raisons qui vous conduisent à contraindre les collectivités territoriales, dont vous connaissez très bien l'importance dans l'investissement public et dont les règles budgétaires diffèrent de celles de l'État ?

Quatrièmement, vos propos sur la transition écologique ont été très brefs et, pour tout vous dire, ils m'inquiètent. J'ai eu l'occasion de vous l'expliquer ces dernières années : ce que vous qualifiez de « budget vert » s'apparente plutôt à de la peinture à l'eau. Faire intervenir Mme Valérie Masson-Delmotte pour sensibiliser le Gouvernement aux enjeux climatiques était une bonne initiative, mais cela ne suffit pas. M. le ministre des comptes publics indiquait à l'instant que l'enjeu écologique avait été évoqué en début de réunion. La prise de conscience doit être d'une tout autre ampleur ; il va falloir y mettre de l'intelligence et des moyens. Nous avons déjà perdu un temps considérable, il est donc absolument nécessaire de changer de logiciel. Quand je regarde les crédits de paiement, je m'interroge sur la façon dont tout cela va fonctionner.

Par ailleurs, vous avez évoqué un fonds vert auquel les collectivités locales seraient associées. Je ne peux que m'en réjouir, si cela peut permettre, enfin, d'articuler les actions du mieux possible pour les rendre productives. Le meilleur contre-exemple est finalement MaPrimeRénov' : quelque 2 000 logements rénovés sur un objectif de 80 000 rénovations de passoires thermiques, je le dis comme je le pense, c'est nul ! Évidemment, il faut progresser sur ce point, et je pense que nous y parviendrons.

Enfin, mon dernier point concerne la CVAE. J'ai personnellement participé aux « dialogues de Bercy », dont je salue l'initiative. Je regrette tout de même une forme de déséquilibre entre la représentation des forces politiques et celle de nos commissions, dont la raison d'être est tout de même de travailler sur ce sujet. Certains des nôtres, qui n'ont pas été invités, ont pu avoir l'impression qu'il existait deux types d'élus.

Il y a sur la CVAE un problème de forme. L'étalement de sa suppression sur deux ans répond certes à une demande et vous conservez une incitation pour les collectivités à attirer de l'activité économique sur leurs territoires. Le Gouvernement propose ainsi la dynamique de la TVA versée en remplacement de la CVAE abonde un fonds dont les ressources seraient réparties en fonction de critères locaux d'activité économique à compter de 2024, sans plus de précisions. Mais quelle serait la gouvernance de ce fonds ? Selon quelles modalités les élus locaux et parlementaires pourraient participer à la définition des critères de répartition de son produit ? Je ne comprends pas la méthode. Vous proposez une concertation après une décision qui vient d'en haut. Conformément à la culture du compromis qu'a proposée Mme la Première ministre, j'aurais préféré que vous élaboriez un projet concerté avec les collectivités et leurs représentants, puis que vous le proposiez ensuite à l'approbation du Parlement, laquelle serait venue plus naturellement.

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