Intervention de Bruno Le Maire

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 septembre 2022 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2023- Audition de Mm. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et gabriel attal ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics

Bruno Le Maire, ministre :

C'est fort de café en effet de nous reprocher de supprimer la CVAE en deux fois, quand nous le faisons pour tenir compte de la situation des finances publiques. Personne ne peut remettre en cause la parole du Gouvernement, de la majorité ou du Président de la République, ni douter de notre détermination à tenir notre ligne sur la baisse des impôts. Nous avions promis la baisse de l'impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 %, c'est fait. Nous avions promis un prélèvement forfaitaire unique à 30 %, c'est fait. Nous avions promis de baisser les impôts de production pour la première fois depuis vingt ans, c'est fait.

C'est fort de café également de nous demander moins de dépenses publiques, mais plus de soutien pour les entreprises. Il ne serait pas mauvais de faire preuve de cohérence et surtout de garder un esprit constructif, à un moment où l'économie française est confrontée à des défis considérables. Pour ce qui nous concerne, nous tenons notre ligne politique de l'offre : baisse des impôts de production pour soutenir l'outil productif français et rétablissement des comptes publics. Cela témoigne au contraire de notre ambition économique pour le pays.

J'en viens aux raisons qui nous ont conduits à supprimer la CVAE. Nous ne nous sommes pas réveillés, un matin, avec cette volonté soudaine. Cela fait plus de cinq ans maintenant que je suis ministre de l'économie et des finances et j'ai toujours considéré - comme nombre d'entre vous ici - que la reconquête industrielle était une ardente obligation dans un pays qui, je le rappelle, a détruit des emplois industriels par centaines de milliers et qui a connu une hémorragie industrielle comme aucun autre grand pays industriel en Europe. Ni l'Italie ni l'Allemagne n'ont connu pareille hémorragie. Il y a donc eu faute économique, faute politique, faute collective sur l'industrie nationale.

Cette reconquête ne peut toutefois se faire en une année ni par un claquement de doigts. Elle demande une stratégie continue, résolue, déterminée et constante, qui repose sur trois piliers.

Le premier pilier est la baisse des charges et l'allègement de la fiscalité sur les entreprises industrielles. J'ai visité il y a quelques jours pour la cinquième ou sixième fois mes amis décolleteurs dans la vallée de l'Arve. Vous ne pouvez pas demander à des industriels qui sont confrontés à de tels défis de traîner ce boulet d'impôts de production sept fois plus élevés que leurs voisins allemands. Vous ne pouvez pas leur demander d'être compétitifs quand leurs cotisations patronales sont beaucoup plus élevées que celles de leurs grands voisins européens. Nous avons remédié à ces difficultés. Je rappelle que c'est cette majorité qui a transformé les allègements de charges, qui étaient un crédit d'impôt, en allègements définitifs. C'est cette majorité qui a engagé la baisse des impôts de production, qui a fait de la France le territoire le plus attractif pour les investissements étrangers.

Ce premier pilier de la reconquête industrielle n'est pas le plus facile à faire comprendre. À chaque fois que nous baissons les impôts sur les entreprises, on nous dit « cadeau pour les entreprises ». Je réponds cadeau pour l'industrie, pour les ouvriers, pour la culture industrielle nationale. C'est différent.

Le deuxième pilier est évidemment la formation et la qualification, qui passent par une reconquête culturelle de l'industrie française. Il n'est pas normal que dans un centre de formation d'apprentis aussi remarquable que celui que j'ai visité, en Haute-Savoie, où l'employabilité est de 100 % à la sortie et où chaque jeune bénéficie à lui seul de trois offres d'emploi, seules 300 places sur les 400 disponibles soient pourvues. Il faut montrer à nos enfants et en particulier aux jeunes femmes - le taux de féminisation est beaucoup trop faible - que l'industrie, ce n'est plus Zola, mais de la création, du savoir-faire, de la technologie, des ingénieurs, de la valeur ajoutée, de bons salaires et des perspectives de carrière.

Enfin, troisièmement, le combat pour la reconquête industrielle passe par la simplification de la vie des industriels, notamment pour l'installation de nouveaux sites. Dès le début de l'année 2023, je ferai des propositions très concrètes à la Première ministre et au Président de la République sur ce sujet. Mon objectif est que la France retrouve 15 % de part de l'industrie dans la richesse nationale d'ici quinze ans. Nous sommes tombés à 10 ou 11 % alors que rien ne le justifiait. Je fixe donc cette ambition, avec les sites industriels, les technologies et les emplois qui vont avec.

Au sujet des prévisions de croissance, il est bien entendu que d'autres scénarios existent. Mais quand on présente un budget, on choisit un scénario central. Dans ses scénarios les plus sombres, la Banque de France part du principe qu'il pourrait y avoir des coupures d'énergie, des délestages sur les sites industriels, des arrêts de production massifs sur le territoire. Ce n'est pas notre scénario central. Les actions que nous avons menées avec Agnès Pannier-Runacher - le plan d'économie d'énergie, le remplissage à 94 % des stocks de gaz, la diversification des sources d'approvisionnement - visent précisément à éviter ce scénario que je n'écarte pas - cela serait très audacieux de ma part - d'un revers de la main. Je dis simplement que notre scénario central reste une croissance positive en 2023 à hauteur de 1 %.

Par ailleurs, au-delà des mesures que nous avons prises sur l'énergie, nous avons eu aussi à coeur de soutenir la demande des ménages français. Protéger les ménages contre l'inflation - la France est l'un des seuls pays de la zone euro où le pouvoir d'achat continuera à progresser en 2023 - est aussi une manière de soutenir notre croissance. Enfin, les réserves d'épargne restent élevées dans notre pays ; c'est aussi un motif de confiance.

En ce qui concerne la transition écologique, je partage totalement votre ambition. Je vous invite simplement à ne pas sous-estimer l'ampleur des transformations que nous avons engagées avec le Président de la République et la Première ministre en la matière. Tout en ayant parfaitement conscience qu'il faut aller plus vite, faire mieux, déployer encore plus massivement nos dispositifs, je crois que nous sommes dans la bonne direction.

D'abord, nous avons engagé un plan de sobriété qui sera présenté le 6 octobre prochain et qui est absolument clé. Je veux vraiment bien faire comprendre que les économies d'énergie que nous allons tous devoir faire dans les semaines qui viennent ne visent pas à passer l'hiver, mais à passer le siècle. Elles doivent nous permettre de bénéficier, dans les prochaines décennies, d'une situation climatique plus favorable. Ne pensons pas que les économies d'énergie sont une réponse à un problème conjoncturel. Le problème est évidemment structurel et ce sont des changements de comportement complets auxquels nous devons être conduits, nous, citoyens, entreprises, administrations, pour réussir à lutter contre le réchauffement climatique.

Le fonds vert des collectivités locales annoncé par Élisabeth Borne représente 1,5 milliard d'euros. Nous pourrons discuter ensemble de son déploiement afin de nous assurer qu'il sera le plus efficace possible. L'accompagnement des ménages pour l'achat de véhicules électriques et le dispositif MaPrimeRénov' sont aussi des aides budgétaires massives. Je suis prêt à regarder comment l'on passe de rénovations par geste à des rénovations plus globales qui, on le sait, sont mille fois plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique et éviter les pertes thermiques.

Enfin, je rappelle que France 2030 consacre la majorité de ses investissements à la lutte contre le réchauffement climatique et aux investissements verts. Je veux redire aussi que la stratégie énergétique présentée par le Président de la République à Belfort - sobriété, accélération sur les énergies renouvelables et réalisation de six nouveaux EPR - est une manière de garantir la réduction de notre empreinte carbone.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion