Intervention de Gabriel Attal

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 26 septembre 2022 à 17h35
Projet de loi de finances pour 2023- Audition de Mm. Bruno Le maire ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et gabriel attal ministre délégué auprès du ministre de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique chargé des comptes publics

Gabriel Attal, ministre :

Je concentrerai mon propos sur la question des collectivités territoriales. Des propositions intéressantes en faveur des forêts ont été formulées. Je précise que le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI forêt) sera renforcé.

À la fin de l'année 2021, la situation globale des collectivités locales était très bonne, notamment en raison d'un transfert important de l'État durant la crise sanitaire, à hauteur de 10 milliards d'euros. Avec le « quoi qu'il en coûte », l'État s'est endetté, mais des dépenses des collectivités locales ont été évitées.

Pour l'année 2022, la photo est plus floue. Les collectivités territoriales doivent faire face à des dépenses supplémentaires, telles que l'augmentation du point d'indice ou la hausse de prix de l'énergie et de l'alimentation. Toutefois, certaines recettes continuent leur progression, notamment les impositions foncières ou la TVA. Ce matin, lors du comité des finances locales, j'ai annoncé qu'en 2022 la fraction des recettes de TVA allouée aux collectivités territoriales augmenterait de 9,6 %, contre des prévisions établies à 2,89 % au mois de mars dernier. Cela représente une recette supplémentaire d'un milliard d'euros tant pour les conseils régionaux que pour les conseils départementaux. La ville de Paris recevra quant à elle une somme de 500 millions d'euros. Certes, la situation n'est pas parfaite pour toutes les collectivités, mais certaines recettes ont globalement progressé deux fois plus vite que l'inflation en 2022.

Les communes assurant des charges de centralité sont davantage fragilisées. Je me réjouis de l'adoption cet été du filet de sécurité et je tiens à remercier les sénatrices et les sénateurs d'avoir enrichi le dispositif adopté par l'Assemblée nationale. Le décret d'application sera publié dans les prochains jours. Les premiers acomptes seront versés durant le mois de novembre aux communes éligibles à ce dispositif - soit environ 25 % d'entre elles. La hausse des dépenses d'énergie et d'alimentation sera prise en charge à hauteur de 70 %. Le soutien pour faire face à l'augmentation des charges de la masse salariale pourra aller jusqu'à 50 %.

Indexer la dotation globale de fonctionnement (DGF) serait irréaliste. Durant le quinquennat de François Hollande, cette pratique avait justifié les coupes claires qui avaient ensuite été décidées par le gouvernement. Comme je l'expliquais ce matin à M. André Laignel, il serait difficile de retirer demain aux collectivités locales un filet de sécurité indexé sur l'inflation si notre pays entrait en récession. Nous privilégions l'accompagnement des collectivités qui en ont le plus besoin. L'année prochaine, nous pourrons adapter ce dispositif en fonction des résultats constatés en 2022.

Et pour répondre à la question de Christine Lavarde, nous allons en effet adapter le texte qui vous est transmis aujourd'hui à la suite des « dialogues de Bercy ». Nous n'avons pas eu le temps d'indiquer dans le texte initial que nous allions abonder la DSU et la DSR de 210 millions d'euros. Très concrètement, cela représente 90 millions d'euros sur la DSU, 90 millions d'euros sur la DSR et 30 millions d'euros pour les intercommunalités.

Si nous ne prenions pas cette mesure, deux tiers des communes verraient, du fait des règles de la péréquation, leur DGF baisser l'an prochain, alors même que l'enveloppe globale est stable et sanctuarisée depuis 2017. Avec cette mesure en revanche, 70 % des communes verront leur DGF augmenter l'an prochain. Cette garantie a été qualifiée d'historique, y compris par des spécialistes du sujet et nous réfléchissons ainsi à renforcer la DSR péréquation.

M. Mizzon a demandé si, dans le cadre de l'actualisation des valeurs locatives, les commissions devaient poursuivre leurs travaux. La réponse est oui : ce travail est utile, ne serait-ce que parce que les premières remontées des commissions départementales nous ont permis de faire une forme de synthèse et d'arriver à la conclusion qu'il fallait suspendre l'application de la réforme.

En effet, ces synthèses affichaient des hausses de fiscalité de plus de 40 % pour les commerces de centre-ville et des baisses de 40 % pour des hypermarchés de périphérie. Quand bien même on appliquerait des mesures correctives - plafonnement, « planchonnement », lissage, etc. -, on arriverait toujours à +15 % pour le centre-ville et -15 % pour la périphérie. La décision a donc été prise - c'est aussi l'intérêt des « dialogues de Bercy » - de suspendre l'actualisation.

Tant que le système restera basé sur les valeurs locatives, la valeur locative au mètre carré en centre-ville sera supérieure, par définition, à celle de la périphérie. Aussi, j'estime qu'il convient probablement de réinterroger le modèle et les critères. Certains évoquent la valeur vénale, d'autres le chiffre d'affaires au mètre carré sur les dernières années. Voilà un beau de sujet de débat et de travail en commun qui pourrait nous permettre d'imaginer un système plus efficace, qui ne pénalise pas l'activité économique en centre-ville.

En ce qui concerne la CVAE, je ferai remarquer que la fraction de TVA est plus dynamique que la CVAE : ces dernières années, les recettes de TVA ont ainsi progressé davantage que les recettes de CVAE. Au travers de cette compensation, les collectivités sont donc gagnantes. Par ailleurs, la fraction de TVA est moins volatile que ne le sont les recettes de CVAE, qui varient beaucoup d'une année sur l'autre. L'exemple le plus édifiant est celui des collectivités disposant sur leur territoire d'un réacteur nucléaire à l'arrêt pour maintenance. La commune de Civaux, dans la Vienne, verra ainsi son montant de CVAE passer de 3,8 millions d'euros cette année à 53 000 euros l'année prochaine. Avec le système que nous proposons - suppression de la CVAE et compensation -, aucune commune ne pourra voir, par définition, sa CVAE baisser à l'avenir. Au mieux cette dernière sera stable et s'il existe une activité économique, elle augmentera. Cette garantie me semble intéressante.

La taxe d'aménagement a fait l'objet, elle aussi, d'une alerte dans le cadre des « dialogues de Bercy ». Il était demandé aux collectivités de rendre une délibération avant le 1er octobre pour le partage avec les EPCI. À la suite de cette alerte, nous avons accordé un délai supplémentaire, jusqu'au 31 décembre. Toutes les collectivités n'en ont pas encore connaissance, je vous remercie donc de nous aider à relayer cette information.

Concernant la taxe de séjour, nous sommes toujours ouverts pour examiner les dossiers, mais nous devons, me semble-t-il, nous poser les bonnes questions sur la manière d'équilibrer des budgets. La taxe de séjour ne me semble pas être le moyen d'équilibrer durablement un budget. Méfions-nous des solutions de court terme qui font rentrer plus d'argent sur une année, mais pénalisent sur le long terme et font chuter l'activité touristique dans la capitale. Cela me fait penser aux loyers capitalisés. Nous avons voulu mettre fin à ce système de fuite en avant qui engrangeait des recettes de court terme sur l'année n, mais engageait en même temps la ville sur des dépenses pour les années à venir.

Afin d'équilibrer les budgets de certaines collectivités, nous considérons, il est vrai, qu'appliquer les trente-cinq heures aux fonctionnaires serait plus efficace que d'aller chercher des recettes supplémentaires en taxant les touristes. Sur cette question, il existe encore des marges de progrès.

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