– S’agissant du dispositif de chômage partiel, il a été salutaire pour notre pays lors de la crise du covid. En cas de nouvelle crise – imaginons des fermetures d’entreprises en raison d’une crise de l’énergie –, faudrait-il reconduire le dispositif retenu pendant la pandémie ? La situation ne serait pas exactement la même, et il faudrait veiller aux risques spéculatifs sur l’énergie : certaines entreprises pourraient fermer uniquement pour revendre leurs droits Arenh (accès régulé à l’énergie nucléaire historique) et gagner plus d’argent. Il faudrait aviser en fonction de la situation.
Enfin, Pôle emploi – peut-être France Travail demain – est l’un des deux opérateurs de l’Unédic – avec l’Urssaf, qui assure le recouvrement des cotisations. Nous souhaitons donc qu’il continue à faire baisser nos charges en pourvoyant un maximum d’emplois et qu’il assure de façon satisfaisante le versement des allocations. Pour nous, le critère le plus important est l’amélioration de la qualité de service. Si tel devait être le cas, nous serions favorables à la création de France Travail.
Mme Monique Lubin. – Pour notre part, nous désapprouvons totalement la reprise en main par le Gouvernement de ces questions et la fin annoncée du paritarisme. À titre personnel, je trouve la méthode assez violente, mais nous aurons l’occasion d’en discuter lors de la présentation de ce projet de loi.
Au-delà de la forme, sur le fond, n’assiste-t-on pas à un changement de philosophie de l’assurance chômage ? L’indemnisation des demandeurs d’emploi est réduite au minimum, on les pousse à revenir obligatoirement vers l’emploi, épousant en cela la vox populi qui estime majoritairement que les chômeurs doivent retourner bosser.
Je crois que l’on devrait tenter d’éclairer la vox populi, et que l’assurance chômage est aussi faite pour que les demandeurs d’emploi, après un échec dans l’emploi, puissent prendre un peu de temps pour se pencher sur leur avenir professionnel, se former, changer d’orientation, et non être obligés de reprendre n’importe quel emploi dans n’importe quelles conditions.
Mme Raymonde Poncet Monge. – L’article 62 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement, dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi, un rapport sur la réalité et les conséquences du non-recours aux droits en matière d’assurance chômage.
La presse estime que ce rapport existe, mais, à ma connaissance, il n’a toujours pas été rendu public. Que contient-il ? Que sait-on du non-recours dans ce domaine ?
Par ailleurs, vos évaluations confirment-elles une baisse des allocations et du nombre d’allocataires induite par la loi de 2018 ? Comptez-vous également évaluer à l’avenir la qualité de l’emploi retrouvé après l’entrée en vigueur de cette loi, en termes de niveau de rémunération, de temps de travail et de durabilité de l’emploi ?
M. Philippe Mouiller. – J’ai bien noté qu’un tiers de la dette de l’Unédic était liée à la crise du covid. Pourtant, souvent, dans le bilan du Gouvernement en la matière, cette ligne n’apparaît pas !
J’ai entendu aussi vos interrogations sur le champ d’intervention de l’Unédic. Ne faut-il pas le recentrer sur sa mission première, et en parallèle mettre sur la table la question du transfert à la sécurité sociale des 35 % de CSG qui reviennent à l’Unédic ?
Sur mon territoire, je suis entouré de chefs d’entreprise qui ne parviennent pas à recruter ou qui essuient des refus de CDI. Ce texte n’est-il pas l’occasion de durcir clairement les positions ? De même, les ruptures conventionnelles ont pu être un atout, mais ne sont-elles pas aujourd’hui utilisées de façon abusive au détriment du marché de l’emploi ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. – Lors de la discussion de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, j’avais déjà invité les partenaires sociaux à remettre complètement à plat le système paritaire s’ils ne voulaient pas que l’État se mêle plus de leurs affaires qu’il ne le fait actuellement.
À mes yeux, sans révision profonde du fonctionnement de la gouvernance, le paritarisme est en danger. Pourtant, je vous assure, je suis « paritariste » à fond ! J’y crois, et cela fonctionne très bien à l’Agirc-Arrco.
J’étais opposé à la suppression des cotisations salariales en 2019, car cela changeait complètement la nature du régime, le faisant dériver d’un régime d’assurance vers un régime d’assistance.
La création de France Travail peut être l’occasion d’un débat de fond. Pour moi, il faut dépasser la notion de chômage et viser le plein emploi, ce qui passe par la formation de tous ceux qui se retrouvent un jour au chômage. Or être en formation, ce n’est plus être au chômage. Si l’on ne pose pas le problème de cette manière, on ne trouvera jamais de solutions.
M. Daniel Chasseing. – Vous nous avez expliqué qu’une partie de la dette était due au chômage partiel mis en place pendant la crise du covid. Quels sont les déficits dont l’Unédic est responsable ? Depuis 2020, n’avez-vous pas eu de réponse du Gouvernement pour la prise en charge de cette dette, que vous estimez due aux directives de l’État ?
À l’avenir, ne faut-il pas que les chômeurs soient pris en charge par France Travail sur la base d’un diagnostic santé, logement et mobilité pour aller vers l’emploi ?
Mme Cathy Apourceau-Poly. – Une fois n’est pas coutume, je partage l’intervention de M. Vanlerenberghe. L’emploi, c’est aussi la dignité. Il faut aller vers le plein emploi, mais avec des conditions de travail dignes et des salaires à la hauteur.
L’exécutif souhaite moduler l’assurance chômage en fonction de la situation du marché du travail, comme cela se fait au Canada à l’échelon régional. Depuis la réforme de 2019, il faut avoir travaillé six mois sur les vingt-quatre derniers mois pour y avoir droit. Comment interviendra cette modulation demain ? Faudra-t-il avoir travaillé sept mois ? La période de référence passera-t-elle à dix-huit mois ?
Vous avez évoqué, madame Ferrand, la question des contrats courts. Si, épuisée, une aide-soignante arrête de travailler, elle sera indemnisée sur une période moindre, car les besoins du secteur seront forts. On fait fi de la pénibilité de ces emplois.