– Je suis heureux et impressionné de me présenter devant vous dans le cadre de cette audition.
Avant d’aborder ma candidature, je me permettrai un bref rappel sur l’Anses.
Créée voici douze ans, c’est donc une agence assez jeune qui regroupe à ce jour, sur seize sites du territoire national, près de 1 400 agents, neuf laboratoires de recherche et utilise pas moins de 800 experts extérieurs issus d’universités et d’organismes de recherche français et étrangers.
La première mission de cette agence est d’apporter aux décideurs publics des repères scientifiques et des recommandations visant à mieux protéger la santé humaine contre les risques liés à l’alimentation, l’environnement ou le travail, ou qui affectent la santé des animaux et des plantes.
Les travaux de l’Anses alimentent l’élaboration de nombreuses dispositions législatives et réglementaires, et peuvent aider les pouvoirs publics à décider de mesures de gestion dans leurs champs de compétence.
L’Anses intervient également comme opérateur et financeur de la recherche publique ; elle coordonne divers dispositifs de vigilance tels la toxicovigilance, s’appuyant sur les centres antipoison, la phytopharmacovigilance, ou encore la nutrivigilance depuis 2015. Elle assure des missions de surveillance et d’alerte sur les risques émergents ou récurrents, comme la grippe aviaire.
L’Anses joue également un rôle essentiel en matière de sécurité sanitaire en garantissant la qualité des analyses officielles en santé animale, en santé des plantes et en sécurité sanitaire des aliments, à l’instar des laboratoires nationaux de référence qui interviennent en santé humaine.
L’Agence s’est également vu confier l’examen des demandes de mise sur le marché pour plusieurs familles de produits réglementés à enjeux sanitaires spécifiques, dont les produits phytopharmaceutiques, les biocides et les médicaments vétérinaires.
Enfin, l’Anses participe aux travaux de nombreuses instances européennes et internationales dans ses différents champs de compétence, notamment en ce qui concerne la sécurité sanitaire des aliments, le risque chimique, la santé et le bien-être animal, champs dans lesquels elle exerce des mandats de laboratoire de référence de l’Union européenne, et y représente la France à la demande du Gouvernement. On peut également évoquer le rôle de coordonnateur confié à l’Anses pour le très ambitieux Partenariat européen pour l’évaluation des risques chimiques (Parc), programme au budget de 400 millions d’euros associant près de 200 partenaires de 28 pays et trois agences européennes. C’est l’exemple même du rôle que l’Anses doit prendre pour stimuler la recherche européenne et internationale dans ses domaines d’expertise.
Je suis candidat à la direction générale de cette agence car plusieurs éléments de mon parcours professionnel me semblent à même de répondre aux compétences requises pour ce poste.
Médecin formé à la recherche, j’ai poursuivi une activité de chercheur et d’enseignant au profit de la santé publique et de la santé mondiale : j’encadre encore un étudiant en thèse de doctorat.
J’ai exercé des responsabilités de management dans plusieurs organisations de santé comme le centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, la direction générale de la santé (DGS) ou l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France.
J’ai contribué en 2016, en tant que directeur général de la santé, à la mise en place des agences sanitaires, selon un système reposant sur trois piliers. D’abord, la veille et surveillance épidémiologique de la population avec l’Agence nationale de santé publique (ANSP) devenue Santé publique France ; ensuite, les produits et les pratiques de santé avec l’Agence nationale de sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM) ; et enfin l’évaluation scientifique de risques sanitaires nouveaux, notamment environnementaux ou encore mal cernés avec I’Anses.
En tant que tutelle, j’ai eu l’occasion de saisir l’Anses et d’apprécier la pertinence de ses réponses scientifiques ; j’ai participé à l’élaboration de son contrat d’objectifs et de performance 2018-2022.
Je me suis engagé en faveur de la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts, qui constitue la première condition de la confiance dans la décision publique, avec la mise en place du site unique de déclaration publique d’intérêts dans le cadre de la loi de 2016 pour la transparence sur les liens d’intérêt en santé.
Mon expérience interministérielle m’a, par ailleurs, amené à contribuer à la mise en place de cadres et politiques de santé publique structurants pour l’action de l’Anses : je citerai l’antibiorésistance, la problématique du chlordécone avec le plan Chlordécone 3, le plan national Santé-Environnement 3, ou le plan Santé au travail 3.
Enfin, membre du Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de 2014 à 2017, acteur de la mise en place de l’Académie de l’OMS à Lyon en 2019, ou de la gestion de la crise covid aux côtés du Délégué interministériel à la stratégie nationale de déconfinement et en tant que directeur de l’ARS des Hauts-de-France, je me suis progressivement familiarisé avec une vision plus globale et transversale de la santé, à l’échelle régionale, nationale ou mondiale, cohérente avec les missions de l’Anses au titre d’une seule santé – One Health pour les Anglo-saxons.
J’ai pris en septembre 2020, soit un mois avant d’assumer la direction de l’ARS des Hauts-de-France, la présidence du conseil d’administration de l’Anses. J’avais auparavant demandé aux membres du conseil s’ils souhaitaient que je décline cette responsabilité ; pour la direction des affaires juridiques du ministère de la santé, il n’y avait pas de lien d’intérêt suffisamment probant pour entraîner des conflits, cette présidence étant non exécutive.
J’ai ainsi pu bénéficier ces dernières années d’un panorama privilégié sur son activité et d’un solide apprentissage des valeurs de l’Anses et de l’attention qu’elle porte à ses administrateurs, qu’ils représentent l’État, les organisations professionnelles et syndicales, les organisations de la société civile ou les personnels de l’Anses, et plus largement à l’expression des attentes de notre société.
Grâce à cette fonction, j’ai véritablement pu saisir le rôle de l’Agence et les défis sanitaires qu’elle contribue à résoudre, et appréhender ce qui me semble être les compétences requises pour sa direction générale.
J’ai pu constater que l’Anses est une agence de référence dans le paysage français et européen, avec un périmètre de compétence parfaitement cohérent avec ce regard global, transversal, sur la santé, qui constitue désormais la clé de lecture des questions de santé depuis la pandémie de covid-19 et la prise de conscience des défis sanitaires dus à l’impact des activités humaines sur notre planète.
J’ai également pu observer combien l’Anses est attentive à la bonne compréhension de ses travaux par l’ensemble des décideurs et parties prenantes, faute de quoi leur utilité ne serait que limitée. Les échanges qu’elle entretient avec vous, les élus du Parlement, sont à ce titre particulièrement soutenus, avec une trentaine d’auditions par an dans les deux assemblées et autant de sollicitations. Je sais combien la direction et les experts de l’Anses ont à cœur de répondre à vos demandes, qui contribuent pleinement à sa mission d’appui à la décision et aux politiques publiques. J’ai aussi pu remarquer les nombreuses interactions entre l’Anses et l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst).
Au fil des conseils d’administration auxquels j’ai participé, j’ai noté le souci extrême d’écoute et de dialogue de l’Anses, en aval de son action mais également en amont. L’Agence intervient en effet sur de nombreuses questions sanitaires nouvelles ou encore mal cernées, qui suscitent de fortes inquiétudes et des attentes chez nos concitoyens – ainsi des pesticides, des nanotechnologies, des biotechnologies et des ondes, quatre sujets pour lesquels elle a même institué des comités de dialogue permanents.
Dernier point saillant, son implication forte et croissante dans des dispositifs européens qui mutualisent les efforts scientifiques pour renforcer la sécurité sanitaire dans l’Union européenne.
Fort de tous ces constats, en tant que directeur général, il m’importera de consolider la force et la réputation de l’Agence sur ses deux piliers fondamentaux que sont l’excellence scientifique et la confiance que suscite son action. Sur cette base, je m’attacherai aussi à renforcer la capacité de l’Anses à alerter et agir avec un temps d’avance, et à occuper pleinement sa place d’agence de référence sur la scène française, européenne et internationale.
Concernant les orientations de mon action en tant que directeur général de l’Anses, je souhaite définir cinq priorités.
D’abord, la reconnaissance du rôle et de l’expérience de l’Anses dans la mise en œuvre d’une approche plus décloisonnée, davantage One Health, des santés humaine, animale et végétale. Nombreux sont ceux qui appellent de leurs vœux la création de lieux où médecins, vétérinaires, chercheurs de différentes obédiences pourraient dialoguer et travailler ensemble, par exemple pour éviter de nouvelles pandémies.
Je serai attentif à la prise en compte de l’expérience de l’Anses alors que des structures capitalisant sur l’expérience de la crise covid se mettent en place. Je songe notamment au comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires qui a remplacé le conseil scientifique installé pour le covid-19. Il m’importera également d’aider à renforcer les liens avec les organisations professionnelles de la santé humaine et leurs cursus de formation pour une meilleure appropriation des travaux de l’Agence, ainsi que des enjeux de santé environnementale ou de santé au travail.
La deuxième priorité de mon action sera le vivier de 800 experts extérieurs que j’ai évoqué. C’est une très grande richesse, mais les sollicitations augmentent et il est parfois difficile de les motiver, d’abord parce que la valorisation n’est pas très importante, ensuite parce que la mise en application des déclarations publiques d’intérêts conduit à limiter le recours à ces experts. Cette motivation implique la pleine reconnaissance de ce type de mission dans les parcours des chercheurs et dans les potentialités de publications scientifiques. Pour progresser dans cette direction, je suis prêt à engager un dialogue avec le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche pour renforcer la reconnaissance des missions d’expertise. Un rapport récent nous a fourni quelques pistes.
Troisième priorité, l’extension pérenne des capacités d’expertise de l’Anses aux sciences humaines, économiques et sociales. L’Agence a souhaité renforcer cette année ses capacités d’analyse socioéconomique pour lui permettre de mieux cerner les comportements exposant le plus à certains risques sanitaires, de tenir compte des dimensions économiques et sociales de différentes options d’action, ou encore de préciser la balance bénéfice-risque dans certaines situations. Je veillerai à la mise en route de ces nouveaux développements car ils renforcent la pertinence des réponses de l’Anses.
Une quatrième priorité sera d’améliorer l’accès aux données, car une expertise scientifique sera d’autant plus robuste et rapide qu’elle aura bénéficié d’un accès simple, riche et de qualité aux différents types de ressources indispensables : publications scientifiques internationales, résultats de surveillances épidémiologiques, indicateurs d’usage d’une substance ou d’un produit, résultats de contrôles sanitaires, etc. Ce sont des données à croiser et à partager entre agences sanitaires, notamment les trois agences pivot que j’ai citées.
Pour terminer, je veillerai à maintenir au plus haut niveau la qualité d’écoute et de dialogue que l’Anses a instaurée avec les parties prenantes et avec la société, et qu’elle renforce en permanence. Je serai notamment attentif à la bonne mise en route du comité de dialogue sur les biotechnologies qui commencera ses travaux cet automne, et je soutiendrai les initiatives d’association du public dans le cadre de la recherche ouverte, ou encore le développement des relations de l’Agence avec deux organisations nationales de référence sur le débat public, la Commission nationale du débat public (CNDP) et le Conseil économique, social et environnemental (Cese).
Pour conclure, je suis sensible à l’attention que l’Anses porte au monde dans lequel nous vivons, à son sens du service public. Si vous me donnez votre confiance, je serai fier d’en promouvoir l’action, au profit de toutes les santés, et de faire en sorte que cette agence continue à mettre à l’épreuve les barrières hissées entre les disciplines sanitaires et scientifiques, entre les registres d’action publique nationaux et internationaux, entre la science et la confiance.