rapporteur. – La reconquête des marchés perdus passe également par la révision globale de la politique d’accompagnement à l’exportation de la France dans les domaines agricole et agroalimentaire.
En s’inspirant par exemple du modèle italien, il nous semble essentiel de retravailler l’idée de « marque France » et de s’appuyer davantage sur l’image de la gastronomie française. Quand vous mangez une pizza aux États-Unis, elle est cuisinée avec de la mozzarella italienne. En revanche, quand vous voulez y manger du pain, il n’est pas pétri avec de la farine française. C’est sur ce point que nous devons progresser.
Nous fixons comme objectif la reconquête de l’assiette des Français, en approfondissant la transparence en matière d’affichage de l’origine des denrées composant les produits ou en augmentant les contrôles sur les affichages trompeurs et sur la traçabilité des produits importés. Nous proposons d’intensifier la priorité donnée aux approvisionnements en produits locaux et nationaux dans la restauration collective, en poussant une réforme européenne du droit de la commande publique, pour que les choses soient enfin claires.
Cinquième axe de nos recommandations, il faut protéger l’agriculture française de la concurrence déloyale, car nous aurons beau être plus compétitifs, nous devons aussi et surtout nous défendre. Cela remet complètement en cause l’engrenage politique voulu par le Gouvernement consistant à multiplier les accords de libre-échange bilatéraux où, à chaque fois, l’agriculture est la variable d’ajustement. Après le Ceta, même pas ratifié par le Parlement, le Mercosur, qui n’est bien sûr pas enterré, et désormais l’accord avec l’Océanie, nos filières refusent qu’on exige d’elles des efforts de montée en gamme quand on favorise l’entrée en masse de produits ne respectant pas nos normes. C’est pourquoi nous proposons la promotion de clauses miroirs dans tous les accords. Des clauses juridiques non contrôlées ne servent toutefois à rien : nous devons démultiplier les contrôles des denrées alimentaires importées. Enfin, nous prônons une actualisation des outils déjà en vigueur de protection aux importations, comme les valeurs forfaitaires à l’importation, notamment pour la tomate.
M. Jean-Marc Boyer. – Ce rapport est très éclairant. Vous avez dit à deux reprises que l’agriculture française était la plus vertueuse au monde. Or on entend souvent divers organismes ou associations se fonder sur des éléments scientifiques pour tenter de démontrer le contraire. Quels sont les éléments factuels et objectifs qui justifient votre affirmation ?
M. Franck Menonville. – Ce rapport confirme le constat partagé de l’érosion de notre compétitivité. Quelles sont vos préconisations pour remédier aux véritables impasses techniques et technologiques dans lesquelles se trouvent certaines filières ?
Par ailleurs, vous avez évoqué les accords internationaux de libre-échange. Peut-être pourrions-nous inscrire dans le rapport l’obligation, avant leur ratification, de ratification par le Parlement et y entrevoir la capacité du Parlement à exercer un contrôle et une évaluation de ces accords dans le temps.
M. Franck Montaugé. – Ce travail à la fois suggestif et alarmant pose en réalité des questions structurelles.
J’aimerais connaître la part que représente la main-d’œuvre dans les prix de marché. Comment la compétitivité est-elle calculée ? Avez-vous pu décomposer la valeur ajoutée ? Qu’en est-il, en outre, du coût des surtranspositions ?
Sur la question du positionnement en bas de gamme et moyen de gamme, le rapport ne préconise pas de développer des politiques d’aide alimentaire spécifiques en direction des populations qui, effectivement, n’ont d’autre choix que de s’orienter, faute de moyens, vers des produits d’importation. Aux États-Unis, par exemple, l’aide alimentaire est un vecteur extrêmement puissant pour l’agriculture américaine, dont je ne partage pas par ailleurs le modèle. Il y a là une piste à creuser que nous pourrions proposer au Gouvernement. L’aide alimentaire en France est très réduite ; elle n’est pas à la hauteur des enjeux.
En réalité, je crois comprendre que nous sommes confrontés à un choix de modèle agricole avec, d’un côté, des exploitations familiales et, de l’autre, une agriculture sociétaire faite d’investisseurs, de financiers et finalement d’exécutants. Peut-être un modèle intermédiaire, le modèle coopératif bien compris, nous permettrait-il de préserver ce qui peut l’être. Voyez-vous le problème en ces termes ?
Enfin, vous avez rappelé la nécessité d’apporter des réponses en matière d’utilisation des ressources en eau. Sur cette question, on néglige toujours le curage et la restitution des capacités initiales de stockage de notre appareil hydraulique.
Concernant les assurances, je considère que la moyenne olympique est une affaire relevant de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Que vient faire le gouvernement français sur ce sujet ? J’entends dire que les Espagnols s’affranchissent de cette règle. Si cela devait être vrai, cela poserait question.
Pour terminer, je me réjouis que vous proposiez un nouveau haut commissaire. Je ne doute pas que son action sera très efficace.