Il faut aussi prendre en compte les effets de la jurisprudence. Les normes européennes vont s'imposer à nous, nous devons y réfléchir.
L'épaisseur du code de procédure pénale montre qu'il est indispensable de s'atteler à ce chantier, ce qui, si j'ai bien compris, semble être la volonté du garde des sceaux.
Vous avez parlé d'affaires d'ampleur nationale ou internationale. J'ai connu Marseille à une époque où des Corses, des Lyonnais ou des Parisiens venaient tuer des voyous marseillais. Aujourd'hui, les choses se jouent davantage entre la Castellane et la Paternelle, avec des enjeux plutôt locaux, même si nous savons que l'activité de ces groupes criminels peut avoir des répercussions nationales et internationales. L'organisation de la DCPJ, qui sera la même pour la DNPJ, nous permettra d'aborder ces problèmes.
Problème supplémentaire, avec l'explosion de la cybercriminalité, une grande partie de cette délinquance sera demain virtualisée. La question de la compétence territoriale sera un sujet secondaire.
Madame Harribey, vous avez dit que mon propos vous avait mis mal à l'aise, que j'avais considéré que c'était « circulez, il n'y a rien à voir ». Je le redis, nous nous appuyons sur des rapports et sur des diagnostics, faits notamment dans le Livre blanc de la sécurité intérieure. Nous nous rejoignons sur les constats ; certains proposent des solutions - en général, toujours la même - et d'autres non. Je suis partisan de trouver une solution au problème. Mais je suis d'accord avec vous, une réforme doit être comprise.
C'est ce que j'essaie de faire du mieux possible avec les mots qui sont les miens, au sein d'une organisation, celle de la police nationale, qui est hiérarchisée. Ce n'est ni un club ni un forum, c'est une administration où s'exerce l'autorité, où l'on emploie la force, où chacun à son niveau doit exercer et assumer ses responsabilités, ce qui revient aussi à expliquer le sens des décisions prises, à faire remonter les observations dans le cadre du dialogue social, qui est parfois compliqué. Les organisations syndicales de la police nationale peuvent être turbulentes, mais j'en accepte le principe car celles-ci tiennent leur légitimité d'un vote.
Vous avez évoqué un problème de ressources humaines. Nous avons eu des renforts, nous faisons des efforts de formation des officiers de police judiciaire. Des efforts supplémentaires doivent sans doute encore être faits : la création de l'Académie de police nous permettra d'aller en ce sens.
Vous m'avez interrogé sur la Corse. À ma connaissance, nous n'avons pas de projet relatif à l'organisation de la police en Corse, à part celui que je porte pour la direction générale de la police nationale.
Monsieur Bas, je ne peux qu'adhérer à votre remarque sur la nécessité de simplifier la procédure pénale pour faciliter la tâche des enquêteurs. Vous avez parlé d'une crise possible des vocations, un constat que nous avons dressé. Nous y avons travaillé au travers de la coordination nationale de l'investigation pour identifier l'ensemble des problèmes auxquels nous sommes confrontés. La police judiciaire est la dernière mission dans la police nationale : on est personnellement responsable de ce que l'on fait. On doit des comptes à son chef, au magistrat qui vous a saisi, à la société, aux avocats et à la presse qui peut vous interpeller sur votre action à l'occasion d'un procès. C'est sans doute difficile à assumer pour les enquêteurs. Ces métiers nécessitent une grande disponibilité : il est difficile de travailler sur une affaire de trafic de stupéfiants aux heures ouvrées. Il faut répondre jour et nuit, 7 jours sur 7. Je l'ai fait pendant de très nombreuses années et je comprends que ces contraintes soient aujourd'hui difficilement supportables comparé à d'autres formes d'organisation du temps de travail. D'autres champs d'activité ont des contraintes équivalentes - je pense au parquet, pour lequel le ministère de la justice a aussi du mal à trouver des candidats.
Les exigences et les complexités sont croissantes. Cette réforme concerne l'organisation ; pour tout ce qui touche au quotidien des enquêteurs, nous y travaillons dans d'autres cadres afin de susciter des vocations. Certains jeunes hésitent à entrer dans la police en craignant de devoir faire du police-secours pendant cinq ou dix ans avant de pouvoir rejoindre une unité d'investigation : c'est pourquoi nous permettons de suivre une formation d'OPJ dès l'école de gardiens de la paix pour permettre l'intégration dans un service d'investigation 30 mois après l'entrée à l'école.
Nous devons aussi imaginer d'autres formes de recrutement. La police offre un panel de métiers : la police judiciaire, le renseignement, l'ordre public, l'international... Heureusement, on constate toujours un intérêt pour tout ce qui touche à l'investigation.
Madame Boyer, vous avez déploré l'organisation en tuyaux d'orgue avec la justice et l'administration pénitentiaire. Je vais d'abord essayer de franchir cet obstacle pour la police nationale, avant de m'attaquer aux autres ! Nous sommes très attachés au continuum de sécurité, depuis la police municipale jusqu'à la décision finale - la sanction - et son exécution.