Pour ce qui est de la sobriété, il faut la distinguer du rationnement. La sobriété consiste à faire la même chose avec moins d'énergie, et non pas à faire moins. Le Gouvernement nous a demandé, ainsi qu'à toutes les entreprises, de réduire nos consommations d'énergie de 10 % d'ici à deux ans, et nous avons répondu que nous saurions le faire. Pour ce qui concerne le tertiaire, il convient de renforcer les gestes simples d'économie, et donc l'exemplarité. Il faut également mieux isoler les bâtiments ; deux ans ne seront donc pas de trop.
S'agissant de l'aspect « conduite », nous ne sommes pas dans une logique de suppression de trains, comme l'a confirmé le ministre des transports. Quant à l'idée de réduire la vitesse, elle n'est pas opérante, car elle remettrait en cause toutes les correspondances et ferait baisser l'attractivité du train ainsi que la productivité des moyens. Nous pratiquons d'ores et déjà l'éco-conduite, et pouvons le faire davantage en évitant de freiner et d'accélérer inutilement et en optimisant la capacité du train à rouler tout seul, afin de consommer le moins possible. Cela peut rapporter beaucoup, de 10 à 15 % sur la consommation d'énergie ; il faut donc parvenir à ce que tous les conducteurs soient capables de le faire.
À l'époque où l'énergie n'était pas chère, on pratiquait l'éco-stationnement durant des heures, voire toute la nuit. Désormais, on préférera faire venir des personnels une heure plus tôt pour mettre en route le chauffage et la climatisation des rames.
Ces économies sont accessibles par la simple révision de nos modes d'organisation. En les combinant, nous atteindrons l'objectif de réduction de 10 %.
Il s'agit, par ailleurs, d'obtenir, dès le projet de loi de finances pour 2023, 1 milliard d'euros supplémentaires pour ce qui est des investissements sur le réseau, ne serait-ce que pour rattraper les surcoûts liés à l'inflation. En effet, les travaux coûtent plus cher du fait de l'augmentation de 10 à 15 % des matériaux - béton, acier, etc. -, ainsi que des salaires. Ce sera le moyen de marquer, par un acte fort, la volonté du Gouvernement d'engager dès 2023 le redressement de l'état du réseau. Mais ce point ne s'oppose pas à l'idée d'une véritable loi de programmation courant sur dix ans, ou plus, à laquelle je suis très favorable puisque nous avons besoin de travailler sur le temps long.
Nous avons aussi besoin de cette traduction législative du temps long d'un point du vue industriel, notamment pour pouvoir recruter des ingénieurs et travailler avec les professionnels du bâtiment et des travaux publics (BTP) ou de l'industrie ferroviaire. La loi de programmation est donc nécessaire pour concrétiser l'ambition annoncée et pour organiser l'industrie autour de cet objectif.
Les deux instruments sont utiles : il faut, dès cette année, marquer une inflexion positive autour de la régénération du réseau, puis s'engager, via un travail de coconstruction avec la représentation nationale, sur une loi de programmation pluriannuelle.
S'agissant du benchmark, en effet, les autres grands pays européens « mettent le paquet » sur le ferroviaire. Il serait un peu curieux que notre pays se laisse distancer.
Concernant la TVA, monsieur Jacquin, je préfère que l'argent public aille à l'investissement pour les infrastructures. S'il en reste, alors nous ferons en sorte que l'usager paie moins cher.
Je ne nie pas les problèmes de recrutement, mais il faut les quantifier : il manque 1 % des conducteurs, soit 120 sur 12 000 conducteurs ; ce déficit de personnels existe, même s'il n'est pas massif. On explique principalement ce problème par un manque d'anticipation : pendant la crise du covid, nos écoles étaient fermées et la formation des conducteurs, qui dure un an, a pris du retard. Former un conducteur à distance, c'est compliqué ! Nous rattrapons actuellement ce retard. Si nous avons fait appel à une école privée, solution exceptionnelle et de dernier recours, c'était pour renforcer notre appareil de formation.
Pour ce qui est de la ligne Nancy-Lyon, nous craignons de perdre de l'argent si nous la rétablissons. C'est une rame qui nous fera défaut ; or nous manquons de rames. Nous avons le sentiment que ce train ne serait pas équilibré. Nous sommes obligés, en tant que société anonyme, de faire cette réponse aux territoires, même si elle n'est pas satisfaisante.
J'en viens au contrat de performance, que nous avons mis deux ans à conclure et qui est un appendice de la loi de 2018 sur le nouveau pacte ferroviaire. À cette époque, on n'envisageait pas un développement aussi massif et une croissance aussi forte du ferroviaire. C'était l'acte I ; nous en sommes à l'acte II, qui suppose une révision du contrat de performance. C'est ainsi que l'on peut, selon moi, articuler le passé et l'avenir. Il faut également rappeler que le plan de relance a prévu 4,7 milliards d'euros pour rénover le réseau. L'appréciation doit être globale.
Le Ouigo « train classique » marche bien, car il n'est pas cher et favorise le pouvoir d'achat - les billets sont à 10 ou 15 euros. Des personnes délaissent ainsi la voiture ou le car, et le remplissage est correct. Quant à la SNCF, elle gagne de l'argent car ces matériels - de vieux trains Corail - sont amortis ; reste seulement le coût marginal d'exploitation du train. Cette mesure me semble donc intéressante.
Les trains légers sont importants, dans la mesure où il s'agit d'une réponse ferroviaire pour les territoires diffus. Mais cette réponse doit être adaptée si l'on veut s'en sortir économiquement. Le prototype existe : c'est un engin mi-car, mi-train, qui a des pneus et peut transporter une vingtaine de personnes qu'il va chercher dans des hameaux ; quand il arrive à un passage à niveau, il se met sur les rails. Cette technique est parfaitement adaptée à une desserte combinée routière-ferroviaire des territoires diffus, et pourrait trouver sa place dans une stratégie régionale de transport.
La piste que vous avez évoquée à propos des concessions autoroutières est bonne. Il faut trouver des combinaisons entre le mode autoroutier et le mode ferroviaire pour assurer un revenu pérenne destiné à l'entretien du réseau ferroviaire. Toute expérimentation allant dans ce sens me paraît pertinente.
La SNCF est un acteur majeur de la transition écologique. C'est vrai en termes de mobilité, mais de production d'électricité verte : nous pouvons en produire nous-mêmes et nous y travaillons. Merci de nous alerter sur les compléments à apporter dans le projet de loi relatif aux énergies renouvelables.
À cet égard, les potentiels sont énormes, mais pas toujours facilement accessibles. La SNCF est le second propriétaire foncier de France, avec 100 000 hectares. Les terrains les plus faciles à équiper en panneaux solaires sont les anciennes cours de marchandises, les toits des ateliers, et cela pourrait aller vite à condition que la loi le permette.
En Allemagne, pays vertueux du point de vue écologique, la loi relative aux panneaux solaires prévoit un équipement des espaces disponibles en dix-huit mois. En France, il faudra cinq ou six ans, du fait des procédures d'enquête, de contre-enquête, d'évaluation, etc. Nous voudrions examiner avec le Parlement, et donc les sénateurs, si l'on ne pourrait pas prévoir une dérogation pour les espaces délaissés du ferroviaire. Cela ne devrait pas poser de gros problèmes d'équiper massivement en panneaux solaires ces espaces, qui sont peu visibles. Merci de nous tendre cette perche : si vous en êtes d'accord, nous pourrons travailler avec votre commission afin d'apporter une réponse énergétique aux besoins du pays.