Monsieur le rapporteur. Je dirais que la France continue à garder son leadership, me semble-t-il ; ça nous est d'ailleurs parfois un petit peu reproché au niveau européen. Beaucoup de Français gravitent parce que la communauté française est très présente sur ces sujets-là, elle y contribue. Il y a peu, vous auditionniez la plateforme RSE : il y a un vrai rôle d'incitation. Le choix d'entreprendre des réglementations nationales alors qu'on est confronté à un problème global, ou de jouer un rôle d'entraînement dans un cadre européen, sont deux enjeux distincts. Je pense cependant que les deux sont compatibles, mais aujourd'hui on est dans une phase où c'est successivement l'un et l'autre. Nous sommes aujourd'hui dans une phase où à l'évidence, il faut réussir le pari européen qui est un pari d'ampleur, comme je l'ai dit, et essayer de capitaliser au maximum sur les meilleures pratiques nationales, qu'elles soient d'origine législative ou réglementaire ou qu'il s'agisse des meilleures pratiques. Donc c'est ce que nous avons dans les faits, c'est ce que nous essayons de faire.
Et la France ? Ce n'est peut-être pas un hasard, que le président de l'ISSB ait été choisi comme cela a été fait : je peux vous dire que les Français jouent un rôle significatif dans la task force. Nous verrons pour la présidence du SRB (Sustainability reporting board). Jean-Paul Gauzès préside le board et est très proche évidemment des thèses européennes et françaises. Comme cela se doit, lorsqu'on est au niveau européen, on doit faire la place à tout le monde, c'est évident.
J'ai omis de préciser un point important, Monsieur le Président, c'est que vous aviez proposé un amendement créant une compétence à l'ANC (Autorité des normes comptables), mais le Conseil constitutionnel a jugé que c'était peut-être un peu prématuré, ou en tout cas pas suffisamment lié au texte. Je pense, si je puis me permettre, que nous avons été un dommage collatéral. Mais en attendant, le ministre m'a demandé de constituer un comité sur l'information durabilité au sein de l'ANC, qui préfigure ce que le gouvernement m'a dit vouloir introduire dans la loi de transposition de la directive. Donc, nous avons constitué ce comité à l'ANC, un comité multi-parties prenantes, à savoir 25 membres ; ila tenu sa première réunion début février et va donc jouer le rôle que nous attendions d'un forum français destiné à contribuer à la normalisation européenne. Nous nous félicitons de l'initiative que vous aviez prise et qui n'a pas trouvé le cheminement exact que l'on souhaitait mais qui, dans les faits, fonctionne depuis janvier.
Quant aux PME, alors là c'est un problème compliqué parce que je ne pense pas qu'on rende service aux PME en les laissant en dehors du dispositif. C'est-à-dire que le danger, c'est effectivement de les surcharger d'une démarche que l'on pourrait qualifier de « bureaucratique » mais si on n'inscrit pas les PME en tout cas, probablement la tranche supérieure des PME dans le mouvement de l'information durabilité qui va devoir nourrir l'information des plus grandes entreprises, car on leur demande de faire un rapport qui inclut ce qui se passe chez leurs fournisseurs ou leurs clients... Et, par ailleurs, le système financier est incité à ne fournir des capitaux, que ce soit sous forme d'investissements ou sous forme de prêts de financement, en regardant ce qui se passe sous l'angle durabilité. C'est le président de la Commission Climat et finance durable de l'ACPR que je suis qui le dit : aujourd'hui, on note une pression très forte sous l'effet des institutions financières, banques et assurances, et comme je suis membre du collège de l'AMF (Autorité des marchés financiers) aussi, je peux dire qu'il y a une pression très forte aussi sur les gestionnaires d'actifs pour que les labels, les modes d'attribution des financements, les sélections d'investissement, se fassent en prenant en compte des critères durabilité aussi, et pas simplement des critères financiers.
Sous l'angle finance durable, il faut trouver un système proportionné qui permette aux entreprises moyennes et petites de rentrer dans le dispositif, sinon, le danger serait qu'elles soient marginalisées en termes d'accès aux financements ou tout simplement à l'accès à certains marchés.
En conséquence, il faut trouver une ligne qui soit à la fois pragmatique qui permette de s'adapter aux conditions d'activité des PME, c'est-à-dire ne pas faire des choses qui soient déraisonnables, mais plutôt que leurs conseils peuvent les aider à réaliser. De plus, il faut sensibiliser les chefs d'entreprise au fait que c'est une dimension essentielle dans leur gestion d'avenir ; et que s'ils veulent prospérer puis transmettre leur entreprise, il faut qu'ils s'inscrivent dans ce mouvement-là qui, à mon avis, est relativement irréversible. Il convient de faire quelque chose d'adapté, de proportionné et qui permette de les insérer pleinement dans la dynamique que j'évoque et qui à mon avis est une dynamique. On est en train de créer la deuxième jambe de l'information d'entreprise : il y aura la jambe financière et la jambe extra-financière, et cela sur un pied d'égalité. Cette orientation vers ces deux piliers fait que le premier bénéficiaire de cette sensibilité aux enjeux environnementaux sociétaux et de gouvernance, c'est le chef d'entreprise, c'est la gouvernance de l'entreprise, parce qu'on gère mieux quand on prend ces facteurs en considération.