Intervention de Patrick de Cambourg

Délégation aux entreprises — Réunion du 17 février 2022 à 9h00
Responsabilité sociétale des entreprises — Audition de M. Patrick de Cambourg président de l'autorité des normes comptables président de la commission climat et finance durable de l'autorité de contrôle prudentiel et de résolution acpr

Patrick de Cambourg, président de l'Autorité des normes comptables, président de la commission Climat et finance durable de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) :

Sur l'exemplarité de l'État, vous me permettrez de ne pas me prononcer, vous ne m'avez d'ailleurs pas posé la question, vous avez été très affirmatif, donc je ne me permettrais pas de surajouter.

En revanche, effectivement, nous sommes confrontés à la difficulté de savoir comment faire avancer ces sujets avec nos partenaires. Je considère que l'échelle pertinente aujourd'hui est celle de l'Union Européenne. Le rôle des États membres est important, la France joue un rôle de premier plan et, si vous posez la question en Europe, les États membres qui sont les plus réticents disent que, dans le fond, « c'est trop français, tout ça ». Cela consacre à mon avis le rôle que la communauté française dans son ensemble joue en la matière. Pour moi, le niveau pertinent est là.

Alors, est-il suffisant ?, la réponse est évidemment non. En revanche, nous sommes confrontés à de tels défis sur un plan global que c'est devenu un sujet politique dans beaucoup d'endroits. Dans ces endroits, ce sujet n'a pas encore abouti, comme en Europe, à une décision politique de créer un système de transparence, mais cela évolue. C'est un sujet qui n'était pas à l'ordre du jour il y a cinq ans. Depuis, les grands gestionnaires nord-américains ont tous mis l'accent sur ces sujets. Alors, la question est : quelle est la qualité des données qui permet de prendre effectivement des décisions ? Mais pratiquement tous les grands investisseurs nord-américains ont dit que désormais la durabilité allait devenir un critère d'investissement pour eux. Vous avez donc à la fois le marché qui pousse et les citoyens qui poussent par le biais de leur expression politique quand on est dans des régimes démocratiques.

Vous avez des défis qui sont très clairs : est-ce que je continue à faire des investissements charbon ou non ? Comment je les finance ? Est-ce que j'ai le droit d'aller sur le nucléaire, de revivifier mon nucléaire? Vous avez vu les décisions importantes qui ont été prises en ce domaine dans le cadre de la taxonomie.

Comment faire pour avancer ? Moi je crois quand même à l'exemplarité. Vous avez parlé de de prudence vis-à-vis de produits importés qui ne seraient pas compatibles avec la réglementation européenne. C'est très facile, effectivement, de ne plus produire en Europe, de faire produire ailleurs sans respecter la règlementation européenne. Il faut qu'on soit cohérent. La démarche CSRD, elle a un mérite : elle crée de la transparence, et, certes, la transparence ne fait pas tout, la transparence ne dicte pas les comportements, mais elle contribue à l'évolution de ces comportements.

Il y a d'autres mesures qui permettent de faire évoluer les comportements. Par exemple, la Commission va publier son projet de Sustainability Governance, ce qui sera un pas complémentaire. Là c'est du comportemental, c'est-à-dire : « Est-ce que vous faites ci ? Est-ce que vous faites ça ? Vous devez faire ci. ». Ce n'est pas ce que nous faisons de notre côté, chez nous la norme demande : « Dites-nous ce que vous faites ». Et déjà, vous mettez sur la table de façon transparente votre comportement. On ne dit pas qu'il est bon ou qu'il est mauvais, et c'est ceux qui lisent l'information qui vont, à ce moment-là, faire des labels etc.

D'ailleurs, j'avais vu dans votre questionnaire, un point sur les agences de notation, dont je ne suis absolument pas expert. Cependant, j'avais défendu l'idée, et je vous la soumets, qu'à partir du moment où la donnée était normée en conformité avec nos politiques -- et nous sommes plutôt avancés en ce domaine -- que la notation, certes, est stratégique, mais que la donnée est encore plus stratégique. Donc le fait d'avoir une donnée normée et de qualité, change fondamentalement la donne de la notation. Comme vous le savez, la notation jusqu'à maintenant a été en fait à 80 % de la collecte de données qui n'existaient pas, et 20 % de l'appréciation. Donc, quand vous enlevez une bonne partie des 80 %, parce que vous avez normé la donnée, et vous l'avez rendue publique, je pense qu'il y a un progrès considérable, et que d'ailleurs ça pose la question du modèle d'affaires des agences de notation. Elles vont devoir non plus collecter de la donnée, dans des conditions de questionnaires compliqués etc., mais l'analyser. Et il est évident que quand on collecte de la donnée, et qu'ensuite on en dispose de façon privée pour vendre un service de collecte et/ou de distribution de la donnée, c'est un modèle d'affaires. Le modèle d'affaires qui se concentre sur l'analyse, puisque la donnée est publique, normée, préparée au plus près de la source et auditée, on a de la donnée de qualité, disponible pour tout le monde, cela réduit le coût d'entrée dans l'analyse.

Je crois qu'il faut être à la fois mesuré, trouver les mesures comportementales qui permettent d'éviter les déviances, et puis parier sur la transparence.

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