– Je vous remercie chaleureusement de votre invitation. C’est un honneur de m’exprimer devant vous pour la première fois. Votre commission a enrichi le débat sur l’université, grâce à l’expertise des différents rapporteurs.
France Universités représente 120 établissements dont 73 universités, 2 millions d’étudiants, 200 000 collaborateurs dont 55 000 enseignants-chercheurs et 3 000 laboratoires de recherche publique. Elle concentre la plus grande partie des forces de l’enseignement supérieur et de la recherche de notre pays.
Je saisis l’occasion pour féliciter, à mon tour, Alain Aspect, professeur à l’Université Paris-Saclay, à l’Institut d’Optique et à Polytechnique, pour l’obtention du prix Nobel de physique. Le combat de France Universités est bien de garder la France au rang des grands pays scientifiques, en maintenant les conditions de l’éclosion d’un prix Nobel.
Nous nous réjouissons de cette rentrée sans le spectre de fermetures liées à la Covid. Nos 1 700 000 étudiants sont dans nos murs.
En dix ans, les universités ont vu leurs effectifs étudiants s’accroître de près de 20 %. Cette croissance va se poursuivre, sans compter l’accueil d’étudiants étrangers. Cependant, notre pays ne l’a pas suffisamment anticipée, alors que l’université est une pierre angulaire de l’éducation et du développement économique et social. La formation délivrée à l’université, adossée à la recherche dès le premier cycle, est essentielle pour développer l’esprit critique et la rigueur, pour résoudre les problèmes complexes, à l’aune des crises et des défis mondiaux.
L’université française s’est beaucoup transformée. Elle s’est rapprochée du monde professionnel. Les formations préparent aux métiers de demain, en lien avec les transitions, selon les besoins des territoires. Cette professionnalisation doit être accélérée.
Cette année, il y a eu 936 000 candidats sur Parcoursup, dont 620 000 lycéens, 186 000 étudiants en réorientation et 95 000 en reprise d’études. Quelque 87 % de ces candidats ont reçu une proposition. Ce taux monte à 93 % pour les lycéens.
Pour nous, Parcoursup fonctionne efficacement. Cette plateforme prend tout de même en compte 12 millions de vœux. Néanmoins, elle doit continuer à évoluer et être évaluée. N’oublions pas que l’intervention humaine y est omniprésente, qu’il s’agisse des commissions pédagogiques pour l’examen des candidatures, de l’accompagnement par les professeurs dans les lycées, des équipes réunies par les rectorats pour les commissions d’accès à l’enseignement supérieur (CAES).
Je veux aussi saluer le choix de plus de 200 000 candidats d’aller vers l’apprentissage. L’apprentissage est une voie qui permet à la fois d’accentuer la démocratisation de l’enseignement supérieur, avec un taux d’insertion professionnelle quatre à cinq fois supérieur aux formations sans alternance. L’apprentissage rapproche entreprises et universités. Il convient donc de garantir ce type de formation, tout en étant vigilant à l’égard des effets d’aubaine de certaines formations non universitaires.
La sobriété est l’un des défis de la rentrée. Le Gouvernement doit présenter son plan général. Les établissements d’enseignement supérieur peaufinent le leur. Ils feront leur part de l’effort, pour atteindre 10 % de baisse de consommation d’ici à 2024. Ce sera peut-être une autre affaire de descendre à -40 % d’ici à 2030...
Il ne faut pas confondre baisse de consommation, qui suppose un changement des structures, et surcoûts liés aux prix de l’énergie, auxquels nous sommes immédiatement confrontés.
S’agissant des structures, il importe d’anticiper les interventions lourdes sur le bâti, avec une trajectoire de réduction des consommations et de lutte contre les passoires énergétiques. Pour ce faire, un recensement est nécessaire, tout comme des indicateurs de consommation.
S’agissant des usages, il n’est pas question de reporter la charge sur les étudiants, le personnel et les familles. Nous ne renverrons pas les étudiants vers l’enseignement à distance. L’écoresponsabilité suppose d’accompagner de nouveaux comportements et non de pénaliser les étudiants en dégradant le niveau de formation proposé. Mesdames, messieurs les sénateurs, sans votre aide et celle de l’État, il sera difficile d’atteindre la baisse de 40 % de la consommation d’énergie en 2030.
Je voudrais maintenant vous faire part de quelques motifs de satisfaction. Notons d’abord le retour des étudiants étrangers, qui étaient 400 000 en 2020-2021. France Universités avait proposé en début d’année de faire de la France le premier pays d’accueil des étudiants étrangers de l’Union européenne.
Ensuite, nous nous félicitons de la réforme des bourses engagée par la ministre Sylvie Retailleau. Si nous avions salué, au début de l’été, les mesures d’accompagnement des étudiants, nous voulons rappeler qu’il faut une réforme structurelle des bourses et de la vie étudiante au niveau territorial. Saisissons cette opportunité dès aujourd’hui !
J’en viens aux perspectives. Nous tenons absolument à consolider les liens entre école et société. Le Président de la République a évoqué récemment la formation des professeurs du premier degré. Il n’est pas question de sortir la formation des professeurs des écoles de l’université. La double dimension scientifique et professionnalisante est notre savoir-faire. Médecin, j’ai été formé à l’hôpital et à l’université.
S’agissant du budget, au-delà des enjeux que France Universités a coutume de vous soumettre, les universités françaises ont de fortes inquiétudes sur le financement de l’enseignement supérieur. Si nous nous réjouissons de la compensation de la hausse du point d’indice pour 2023, il n’est pas compensé pour 2022 ; or cela représente 250 millions d’euros à la charge des établissements. Le personnel des universités est composé de fonctionnaires d’État. Pourtant, ils ne bénéficient pas automatiquement des revalorisations prévues pour les fonctionnaires. C’est unique en France !
Les universités, de surcroît, subissent les effets de la crise énergétique. Nous estimons à 100 millions d’euros le surcoût de l’énergie en 2022, non compensé. Les universités devraient prélever dans leur fonds de roulement, mais elles n’ont pas toujours cet argent. En 2023, les coûts seront multipliés par quatre ou cinq, et la compensation n’est, là encore, pas prévue. Rappelons que le bâti universitaire représente 18 millions de mètres carrés, soit 20 % du patrimoine immobilier de l’État, avec une grande part de passoires énergétiques.
L’université accueille des étudiants, mais héberge aussi la quasi-totalité de la recherche publique. Beaucoup d’équipements sont branchés en permanence. Nombre d’infrastructures prennent une part prépondérante dans la dépense d’énergie, mais sont fondamentales pour notre recherche.
Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a récemment promis de trouver des moyens pour compenser les surcoûts et déclaré que la France n’était pas une puissance de cinquième ordre. Nous ne pouvons pas accepter que ces surcoûts affectent nos étudiants et la recherche publique.
Je conclurai en abordant quelques enjeux de ce nouveau quinquennat, comme la loi de programmation de la recherche (LPR). Nous étions très favorables à une telle loi. Nous pensions cependant qu’une période de dix ans était trop longue et préférions sept ans. Il faut peut-être saisir l’opportunité de la clause de revoyure de 2023 pour raccourcir la durée initiale.
Ensuite, il faut massivement investir dans la recherche fondamentale. C’est de là que viennent les progrès techniques et l’innovation. Celle-ci ne vient pas d’une commande sur tel ou tel objet mais est issue d’un écosystème de recherche fondamentale.
Nous veillons à repenser les formations pour les adapter aux métiers de demain, qu’il s’agisse de compétences techniques et scientifiques ou de soft skills.
Sur les transitions écologiques et sociétales, la jeunesse nous oblige à une forme d’exemplarité. Vous entendez les étudiants qui s’expriment.
D’autres enjeux sont très importants, comme la réorganisation de la recherche, ou l’avenir de la recherche en santé, mais je les aborderai sans doute en répondant à vos questions.