C’est sincère, monsieur Karoutchi !
Que ce soit dans le vote des budgets – qui sont bons, il faut bien l’admettre –, ou bien dans les propositions formulées – je pense par exemple aux agoras de la justice –, en passant par l’indispensable travail législatif mené de concert, je ne compte plus les fois où Gouvernement et Sénat ont joint leurs forces, avec l’Assemblée nationale, pour faire progresser notre justice.
Mais, vous le savez, ce travail n’est pas fini, tant s’en faut.
C’est pourquoi, comme je l’ai annoncé, je présenterai dans les semaines qui viennent à nos concitoyens, ainsi qu’au Parlement, bien sûr, un plan d’action détaillé pour réformer et améliorer le service public de la justice, avec un impératif : la rendre plus protectrice, plus rapide, plus efficace et plus proche de nos concitoyens.
Ce plan – je vous rassure, il reprendra un certain nombre de propositions sénatoriales, par exemple celles qui concernent les recrutements à venir ou encore la réflexion sur un tribunal des affaires économiques – se déclinera à travers tous les leviers dont nous disposons. L’objectif sera d’aller vite. C’est pourquoi tout ce qui pourra être fait par voie réglementaire le sera, et ce dans les plus brefs délais.
Je pense par exemple à la matière civile ou encore à l’organisation propre du ministère.
Je vais néanmoins vous répondre en quelques points concernant les premières priorités qui font déjà consensus.
Premièrement, nous allons poursuivre le renforcement inédit de la justice en termes humains et financiers, car on ne résout pas vingt ou trente ans d’abandon politique, humain et financier en un claquement de doigts.
Vous le savez, le budget de la justice pour 2023 connaîtra, si vous l’acceptez, pour la troisième fois consécutive, une hausse de 8 %. Ces hausses nous laissent peu à peu entrevoir l’horizon d’une justice de qualité que tous les acteurs du monde judiciaire, mais surtout les justiciables, appellent de leurs vœux.
Je peux d’ores et déjà vous annoncer qu’une première recommandation – et ce n’est pas la moindre – du rapport Sauvé sera suivie : nous embaucherons au moins 1 500 magistrats et 1 500 greffiers sur le quinquennat. Il s’agit là du plus grand plan d’embauche de toute l’histoire des services judiciaires.
Après les volets réglementaire, budgétaire et organisationnel, les arbitrages issus des concertations en cours prendront corps à travers une ambitieuse loi de programmation pour la justice sur la période 2022-2027.
Fidèle à la démarche de coconstruction qui est la mienne, le Parlement sera – j’y insiste – très étroitement consulté en amont des débats et aura toute la place qui lui revient au moment de l’examen de ce texte.
Ces discussions viseront à nous accorder sur l’ampleur des réformes législatives de la justice que nous aurons à porter, qu’elles soient programmatiques, ordinaires, organiques, et même constitutionnelles.
Si la loi de programmation permettra d’inscrire dans le marbre les recrutements massifs de magistrats, de greffiers, mais aussi de contractuels, de personnels pénitentiaires, elle aura également vocation à transposer dans la loi, de manière concise, les principales propositions qui auront fait, pour la plupart, déjà consensus.
En matière pénale, mes priorités, à savoir une réponse ferme et systématique, ont été fixées par la circulaire du 20 septembre dernier. Je pense par exemple à la lutte contre les violences faites aux femmes et aux mineurs, à la lutte contre la délinquance du quotidien et la criminalité organisée, à la lutte contre le terrorisme, à la lutte contre les atteintes à l’environnement.
Mais aucune politique pénale ne pourra efficacement prospérer sans la simplification de la procédure, réclamée par l’ensemble des acteurs du monde judiciaire. Le Président de la République s’y est engagé.
J’aurai donc vocation à vous proposer une méthode consensuelle et une feuille de route claire pour que, ensemble, et si vous en êtes d’accord, nous puissions mener ce chantier législatif colossal.
La nécessité de cette réforme fait l’objet d’un consensus, des forces de l’ordre aux magistrats, en passant par les avocats.
Mais une politique pénale ne peut exister sans politique pénitentiaire volontariste. C’est pourquoi nous poursuivrons le grand plan immobilier pénitentiaire avec la création de 15 000 places d’ici à 2027 afin d’assurer la réponse pénale, d’améliorer les conditions de travail des agents pénitentiaires et les conditions de détention, qui nous indignent trop souvent.
S’agissant du volet réinsertion, qui, je le répète, est absolument indissociable du volet répressif, nous poursuivrons la hausse des moyens alloués ainsi que la mise en œuvre du contrat du détenu travailleur et les remises de peine conditionnées à l’effort.
En matière civile, nos objectifs sont les suivants.
D’abord, poursuivre sans relâche nos efforts de résorption des stocks. Les stocks en matière civile, mesdames, messieurs les sénateurs, ont diminué de plus de 28 % au niveau national, ce qui est absolument considérable.
Ensuite, lancer à l’échelle nationale une politique ambitieuse de l’amiable : une décision de justice coconstruite est une décision mieux acceptée !
Enfin, simplifier le parcours juridictionnel du justiciable, qui ressemble bien souvent à un parcours du combattant.
Le temps qui m’est imparti, huit minutes, ne permet pas, vous me le concéderez, de dresser un exposé complet, mais les questions qui viennent me permettront d’approfondir et d’expliciter mon projet. Je pense, parmi d’autres sujets cruciaux et essentiels, à la transformation numérique du ministère, chère à votre collègue Dominique Vérien, ou encore à la justice économique et commerciale, si importante face à la crise à venir.