Intervention de Karine Delamarche

Délégation aux Collectivités territoriales et à la décentralisation — Réunion du 21 juillet 2022 à 9h00
Table ronde sur la simplification des normes

Karine Delamarche, sous-directrice des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales (DGCL) :

Mesdames et Messieurs les sénateurs, bonjour. Je vous propose de partager nos interventions avec Monsieur Jean-Gabriel Delacroy. Je vous présenterai le rescrit. Comme vous l'avez noté, les normes entravent l'action publique. Le rescrit a quant à lui l'ambition de faciliter cette action publique, en la sécurisant juridiquement.

Vous le savez, la Constitution confie aux préfets la mission constitutionnelle du contrôle de légalité. Lorsque le rescrit a été conçu, ce cadre constitutionnel et les obligations qui s'imposent aux préfets ont été pris en compte.

Les préfets exercent un contrôle de légalité de manière proportionnée. Ils les adaptent aux enjeux des actes qu'ils contrôlent. Au-delà de la fonction juridictionnelle, ce contrôle implique une vraie mission de conseil. Les collectivités connaissent d'abord le contrôle de légalité au titre du conseil.

En 2021, les préfets ont reçu un peu plus de six millions d'actes et en ont contrôlé 20 %. Ces actes ont donné lieu à environ 16 000 recours gracieux, et moins de mille déférés contentieux. Nous confirmons donc l'existence d'un dialogue entre les services de l'État. Nous ne parvenons pas à chiffrer le nombre de conseils qui ne donnent lieu à aucun écrit, car ils ont lieu lors d'un appel téléphonique ou lors d'une réunion. Cette mission de conseil repose sur la confiance et le dialogue entre l'État et les collectivités. Elle n'engage que moralement le préfet. Le conseil n'entraîne pas un engagement juridique.

Dans les faits, les collectivités qui ne disposent pas de véritable service juridique ou de moyens pour avoir recours à un service juridique extérieur contactent le préfet et les services de contrôle de légalité.

Lors de la loi « engagement et proximité », le législateur a souhaité compléter la mission de conseil des préfets, sans s'y substituer, en créant cette demande de position formelle.

La loi a été votée à la fin de l'année 2019. L'objectif est de fluidifier et de moderniser les relations entre l'État et les collectivités, de faciliter leur intervention en encourageant leurs projets et leurs initiatives, et de leur apporter un conseil juridique qui manque dans les dossiers complexes. L'idée est de garantir aux collectivités que leurs actions s'inscrivent dans le cadre juridique.

Un autre objectif de la loi est de permettre un contrôle plus rapide au titre du contrôle de légalité. De fait, le contrôle de légalité est plus rapide sur les actes complexes.

Le mécanisme du rescrit est pragmatique, efficace et s'inscrit dans un calendrier court, qui est compatible avec celui de l'action des collectivités. La demande de prise de position formelle permet aux collectivités de solliciter le préfet pour obtenir une réponse juridique écrite sur une question de droit, avant que l'acte ne soit adopté. Le mécanisme prémunit la collectivité d'un éventuel recours sur le point de droit dès lors que le préfet a répondu par écrit, et si les circonstances dans lesquelles l'acte s'insère n'ont pas changé.

Le dispositif exclut les demandes de conseil les plus simples ou les sollicitations habituelles de consultation juridique. Il concerne les prises de position dans des cas complexes sur le plan de l'application du droit. Lors de l'examen de l'article 18 du projet de loi « engagement et proximité », le Conseil d'État a souhaité que le dispositif respecte trois conditions :

- la procédure ne doit pas affecter les prérogatives du préfet. Cette procédure du rescrit n'est qu'une modalité particulière d'exercice du contrôle de légalité ;

- si la position transmise par le préfet n'est pas suivie par la collectivité, le préfet peut déférer cet acte, qui n'est pas conforme à la prise de position formelle adressée ;

- la mesure n'a pas pour effet de priver les tiers de leur droit de recours. La position du préfet n'engage pas les tiers.

Les débats au Parlement ont permis d'enrichir la disposition initiale sur deux aspects :

- son champ d'action a été étendu. Initialement, il était prévu pour les communes et leurs groupements. Désormais, les établissements publics locaux peuvent également bénéficier du rescrit ;

- le délai dans lequel le préfet doit se prononcer, qui était de quatre mois, a été écourté à trois mois.

Le dispositif s'applique à tous les actes des collectivités, de leurs groupements et des établissements publics, dès lors que ces actes sont susceptibles d'être déférés au contrôle de légalité. Le champ est donc extrêmement large.

Ensuite, le dispositif prend la forme d'une ou de plusieurs questions précises, qui portent sur la mise en oeuvre de l'exercice d'une compétence d'une collectivité ou des prérogatives dévolues à l'exécutif de ces collectivités.

Vous l'avez mentionné également : le silence gardé par le préfet vaut décision de refus, et non décision d'accord.

Si l'acte est conforme à la prise de position formelle, le préfet ne pourra plus déférer l'acte au titre du contrôle de légalité.

Un décret d'application a été instauré en mai 2020, pour préciser les conditions d'application. Il indique que la demande doit être signée par son auteur, car elle engage la collectivité. En outre, la demande doit être complète. Elle doit présenter le projet d'acte, l'exposé des circonstances de fait et de droit - afin que le préfet et ses services comprennent la problématique - et une ou plusieurs questions juridiques précises, pour que le préfet puisse présenter une réponse circonstanciée à la demande qui lui est présentée.

Seul le préfet de département, ou le préfet de région, est saisi. Le sous-préfet peut être informé. Nous avons souhaité que le dispositif soit déconcentré. Le contrôle de légalité étant une mission constitutionnelle du préfet, nous l'avons replacé dans cet environnement juridique.

Les dispositions réglementaires indiquent que la collectivité peut présenter une demande de position formelle par tout moyen (courriel, courrier postal, etc.). Le décret n'établit aucune normalisation sur le sujet. Il est recommandé d'envoyer un courrier avec accusé de réception, afin de faire courir le délai de trois mois pour la réception de la réponse du préfet.

Le préfet saisi peut demander des compléments d'information. Tant que ces compléments n'ont pas été fournis, le délai ne court pas. Le dialogue se poursuit afin de bâtir la demande de position formelle.

La réponse peut également être envoyée par courriel ou par courrier, signé par le préfet.

L'avis du préfet est ensuite transmis au contrôle de légalité comme une pièce complémentaire. Le service de légalité peut ainsi vérifier que l'acte est identique et en accélérer le contrôle.

J'ai bien compris que vous vous interrogez sur le recours effectif au dispositif. Avant de répondre à ces interrogations, je rappelle que ce dispositif est un outil supplémentaire à la fonction de conseil et ne s'y substitue pas.

Par ailleurs, ce dispositif concerne uniquement les questions complexes. Toutes les questions ne le sont pas, même si certaines problématiques mobilisent souvent les préfectures.

Dès que le décret a été publié, nous avons informé l'ensemble des services de contrôle de légalité. À chaque fois que nous avons l'occasion d'intervenir sur des prises de postes de nos collègues sous-préfets ou secrétaires généraux des préfectures, nous leur rappelons l'existence de ce dispositif.

J'ai noté, dans votre rapport d'étape sur les services déconcentrés, que plus de 60 % des élus ne connaissent pas la technique du rescrit et que seulement 7 % l'ont utilisée. C'est un premier pas, car le dispositif est récent.

Par ailleurs, nous avons créé un indicateur pour suivre l'utilisation du dispositif. Une cinquantaine de rescrits ont été rendus en 2021. Cependant, ces chiffres ne sont pas fiables. Nous avons l'intention d'interroger toutes les préfectures sur leur organisation et les difficultés qu'elles ont rencontrées au moment de saisir les rescrits.

Deux thèmes se démarquent souvent dans les rescrits :

- la commande publique ;

- la fonction publique territoriale.

Il est cependant à noter que nous ne recensons que 50 demandes. Il est probablement encore trop tôt pour effectuer des analyses.

Les demandes de position formelle proviennent des communes, des intercommunalités (communautés de communes, communautés d'agglomérations) et de quelques départements. Les régions n'ont pas encore présenté de demande de position formelle.

Les renouvellements des délégations de service public pour les casinos font l'objet de demandes de rescrits. Ce sujet est complexe.

Les préfectures sont parfois confrontées à des dossiers très techniques et doivent être aidées. Elles peuvent s'adresser au pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité, qui est un service de la DGCL basé à Lyon. Ce pôle fournit des conseils juridiques. Il a été saisi à seize reprises pour conforter l'analyse juridique.

Les autres services de l'administration sociale apportent leur appui si nécessaire, car les sujets complexes demandent des expertises pointues.

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