Intervention de Marie-Arlette Carlotti

Réunion du 5 octobre 2022 à 15h00
Atteintes aux droits des femmes et aux droits de l'homme en iran — Débat d'actualité

Photo de Marie-Arlette CarlottiMarie-Arlette Carlotti :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sang coule en Iran, et c’est d’abord celui des femmes ! La révolte que connaît l’Iran depuis trois semaines porte le nom de Mahsa Amini, morte le 16 septembre, après avoir été arrêtée à Téhéran parce que son voile couvrait mal ses cheveux. Elle avait 22 ans ! Son visage martyr est devenu le symbole puissant de l’iniquité et de la brutalité du régime iranien.

Nous avons la gorge serrée en regardant les images qui nous parviennent. On y voit des femmes qui arrachent leur voile pour le jeter au feu, qui se coupent les cheveux, bravent la police de mœurs et entonnent Bella Ciao. Ce chant, par nature émouvant tant il évoque le courage et l’esprit de résistance chant, devient profondément bouleversant lorsqu’il est entonné par les Iraniennes, dont les sœurs descendent dans la rue pour dénoncer l’obscurantisme du régime, au risque de perdre la vie.

En février 1979, avant même l’instauration de la République islamique d’Iran, l’ayatollah Khomeiny considérait déjà la liberté de la femme comme le principal obstacle à son projet politique. En uniformisant les femmes en rendant obligatoire le port du voile, en leur faisant porter un manteau et en leur imposant un code couleur, on a voulu réprimer leur identité, les transformer en l’ombre d’elles-mêmes, les priver de leur statut social et les reléguer aux confins de la vie publique.

Depuis l’élection de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi, au mois de juin 2021, c’est-à-dire depuis que l’aile la plus dure du régime a mis la main sur le système, la situation des femmes s’est encore plus dégradée.

Pendant toutes ces années, d’horribles crimes ont été commis contre les femmes : le vitriol pour refus de mariage, la décapitation pour soupçon de flirt, la lapidation pour délit d’adultère… La femme a été sacrifiée au nom de l’honneur de l’homme, de la famille, de la société, de l’État. Mais les femmes n’ont jamais baissé les bras ! Aujourd’hui, elles sont aux avant-postes du soulèvement, car elles ne supportent plus ce voile qui les entrave. Au fil des jours, la révolte féministe a pris une autre dimension, celle de la contestation du régime théocratique.

Le soulèvement a d’abord touché les étudiants, qui sont toujours les plus prompts à réagir, avant de gagner toutes les catégories sociales, toutes les villes et toutes les provinces. Aujourd’hui, les protestataires descendent dans les rues en criant : « Mort au dictateur ! »

Pour cette raison, je pense moi aussi que le mouvement est assez différent de ce qui s’est passé en 2017 et en 2019. Désormais, le renversement du régime des mollahs est réclamé et son système corrompu est dénoncé, alors que 50 % à 80 % de la population, selon les territoires, virent en dessous du seuil de pauvreté.

Les femmes sont opprimées en Iran, mais tout le monde l’est également. Les avocats sont emprisonnés, les manifestations d’enseignants sont réprimées, la liberté d’association est entravée et la liberté de la presse n’existe pas !

Le rapporteur spécial de l’ONU, qui a dénoncé la situation des minorités, se dit alarmé par le nombre d’exécutions arbitraires, en particulier de Baloutches et de Kurdes. La République islamique, qui a pourtant hérité d’un empire pluriethnique, s’est employée à réprimer toutes les revendications régionales. Elle défend un centralisme autoritaire, hostile aux minorités, et développe la violence d’État contre toute forme d’opposition. Dans les prisons iraniennes se côtoient toutes les composantes de la société civile : militants politiques, syndicalistes, enseignants, cinéastes et journalistes… Depuis l’arrivée au pouvoir de Raïssi, c’est l’escalade : les arrestations arbitraires sont encore plus nombreuses. La population, excédée par les privations de toutes sortes, aspire à plus de liberté.

Le régime sait qu’une nouvelle épreuve l’attend tôt ou tard : la succession du Guide suprême, qui est actuellement un octogénaire à la santé chancelante, mais qui trouve tout de même suffisamment d’énergie pour condamner la communauté internationale et l’accuser d’ingérence ! Dans ce contexte, il est peu enclin à discuter. La police répond par la violence ; elle recourt, semble-t-il, aux armes létales et tue à chaque manifestation.

Je ne sais pas ce que va devenir ce mouvement de révolte, s’il va porter la révolution, tant les leaders de toutes les oppositions ont été emprisonnés, tués, poussés à l’exil. Mais je sais assurément que ces femmes font preuve d’un incroyable courage et que nous, responsables politiques, devons être à leur hauteur. Nous avons été un peu lâches durant ces quarante-trois ans d’oppression.

La France et l’Union européenne doivent parler plus fort, madame la ministre, pour dénoncer cette répression sanglante. Où en est votre proposition de geler les avoirs et d’interdire de voyages les responsables de la répression ? Ces mesures seront-elles mises en œuvre, alors que le régime se sert des négociations sur le nucléaire iranien pour obtenir le silence de la communauté internationale ?

La France doit rester dans son rôle, c’est-à-dire défendre ceux qui se battent pour la liberté !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion