Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis trois semaines, le cri de colère et d’espoir « Femmes, vie, liberté ! » retentit dans les rues iraniennes. Je salue avec émotion ce cri de dignité et d’humanité au nom de tout le groupe CRCE. Nous devons soutenir de toutes nos forces cet appel à la liberté.
Le 16 septembre dernier, Mahsa Amini a été odieusement assassinée par la police des mœurs, cet instrument d’oppression du régime des mollahs. Elle est devenue le symbole de la révolte populaire. Son crime ? Avoir « mal porté » le foulard, symbole de la soumission imposée aux femmes par le pouvoir théocratique à la tête de la République islamique d’Iran.
Depuis 1979, les femmes iraniennes n’ont cessé d’être exposées aux violences sexistes et patriarcales, à celles d’un régime politique et religieux obscurantiste qui a fait de la soumission des femmes un instrument de domination de la société tout entière. La situation s’est encore aggravée depuis l’arrivée au pouvoir de l’ultraconservateur Ebrahim Raïssi au mois de juin 2021. Certains médias iraniens ont récemment révélé l’intention du régime de recourir à l’intelligence artificielle pour identifier les femmes qui ne porteraient pas le voile ou ne le porteraient pas correctement.
Les sévices et les humiliations frappent toute la société iranienne. Ils s’exercent violemment contre les femmes, mais également contre de larges fractions du peuple, contre la population kurde, la jeunesse et toutes les forces du mouvement ouvrier, au profit exclusif des cercles dirigeants du pouvoir et des oligarchies prédatrices qui les soutiennent.
La répression des femmes qui jettent avec courage leur foulard, qui les brûlent et qui se coupent les cheveux, mais aussi de la jeunesse et de tous ceux qui se joignent au mouvement est féroce. On dénombre des dizaines de morts et des milliers d’arrestations arbitraires.
Ce soulèvement des femmes iraniennes est un signe de courage et d’espoir pour les femmes qui luttent dans le monde entier contre les oppressions sexistes et patriarcales, qu’elles soient ou non religieuses : pour les femmes kurdes en lutte dans tous les pays de la région, notamment dans la Turquie voisine ; pour les femmes en Afghanistan, en Arabie saoudite ou dans les pays du Golfe ; pour les femmes victimes du viol utilisé comme une arme de guerre sur toute la planète ; pour les femmes victimes des réseaux mondiaux de prostitution, mis à nu dans le remarquable rapport du Sénat sur ce sujet ; pour les femmes du monde en lutte contre toutes les violences sexistes et contre les attaques qui s’amplifient contre le droit à l’IVG, notamment en Europe et aux États-Unis.
Oui, la lutte des femmes en Iran est partie prenante de ce mouvement mondial pour libérer toute l’humanité des dominations sexistes et patriarcales. Nous la soutenons pleinement.
Les femmes en Iran ne secouent pas seulement leurs voiles. Elles secouent également le régime répressif, théocratique et obscurantiste qui étouffe la civilisation de ce grand pays de 84 millions d’habitants.
Depuis dix ans, l’Iran est traversé par des mouvements de contestation des politiques sociales du régime, que ce soit en 2009, en 2017, en 2018 ou 2019. Aujourd’hui, d’autres secteurs de la société rejoignent le mouvement des femmes pour dénoncer la dictature politique.
Le peuple iranien ne veut plus de ce carcan dictatorial. L’Iran connaît de profondes mutations. Son peuple, urbanisé et sécularisé, n’a cessé d’élever son niveau d’éducation, en particulier celui des femmes alors que ses structures politiques se sont fossilisées. La paix du monde a besoin que l’Iran retrouve la voie de la démocratie et de la justice sociale.
Force est de le constater, la mise au ban de l’Iran par les États-Unis, à la suite de leur retrait unilatéral en 2018 de l’accord sur le nucléaire iranien, et les sanctions américaines ont nourri, et non combattu, la radicalisation répressive du régime, qui se déchaîne aujourd’hui contre les femmes. Tout le peuple paie cher une terrible crise économique, à laquelle s’ajoute le lourd tribut du covid-19 : un jeune sur quatre est au chômage et la moitié de la population a plongé dans la pauvreté.
Madame la ministre, la solidarité avec les femmes d’Iran, nous devons l’inscrire aussi bien dans la lutte mondiale pour l’émancipation des femmes contre tous les obscurantismes que dans celle pour un nouvel ordre mondial juste, dans lequel le peuple d’Iran puisse trouver la voie d’un développement démocratique, solidaire et en paix avec ses voisins. La France doit agir clairement en ce sens.
Comme le dit le proverbe iranien : « Quand la corde de l’injustice grossit outre mesure, elle se déchire ». Puissent toutes ces injustices se déchirer. Le plus tôt sera le mieux.