Intervention de Laurent Lafon

Réunion du 5 octobre 2022 à 15h00
Atteintes aux droits des femmes et aux droits de l'homme en iran — Débat d'actualité

Photo de Laurent LafonLaurent Lafon :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mort de Mahsa Amini, quelques jours après son arrestation pour « port de vêtements inappropriés », est l’élément déclencheur d’un mouvement plus global de contestation du régime en place. Son nom est devenu un symbole de ralliement pour tout le peuple iranien désireux de vivre dans un État de droit.

Depuis la révolution de 1979, ces femmes et ces hommes subissent les pressions d’un pouvoir autoritaire et répressif. Comme l’ont rappelé ma collègue Annick Billon et de nombreux orateurs, l’instauration de leur constitution les a privés d’une grande partie de leurs droits les plus absolus et fondamentaux.

Cette mainmise des autorités sur leurs droits est renforcée par le recours à la censure. L’accès aux médias et aux réseaux sociaux est très restreint. Cet été, le Parlement a précipité la préparation d’une proposition de loi pour ériger en infraction la production et la diffusion d’outils permettant de contourner la censure.

Ainsi, des milliers de personnes ont été interrogées, poursuivies ou détenues, et des centaines d’autres sont emprisonnées simplement pour avoir exprimé leurs convictions. Parmi eux, des journalistes, des artistes, des avocats ou des enseignants, comme la chercheuse franco-iranienne Farina Adelkhah, condamnée à cinq ans de prison pour atteinte à la sécurité nationale, ou le chercheur suédo-iranien Ahmadreza Djalali, condamné à mort.

La violence est admise et systématique, et la peine de mort est devenue un instrument de répression des dissidents et des minorités.

Aujourd’hui, les contestations provoquées par la mort de Mahsa Amini ne cessent de prendre de l’ampleur. Les universités sont devenues le théâtre de violents affrontements. Enseignants et étudiants y sont particulièrement exposés. Des vidéos témoignent de la violence des répressions et des arrestations alors que les étudiants scandaient : « Les étudiants préfèrent la mort à l’humiliation. »

La répression est menée jusqu’au cœur de la prestigieuse université Sharif, à Téhéran. Selon des témoins cités par le site d’informations indépendant IranWire, dimanche dernier, des étudiants ont été battus ; d’autres ont essuyé des tirs lors de l’intrusion des forces de police, qui ont bouclé le bâtiment, armées de lanceurs de paintballs, de gaz lacrymogènes et de fusils à pompe. Plusieurs jeunes seraient blessés.

Si une partie des étudiants ont alors pu quitter l’université, d’autres sont restés bloqués à l’intérieur. Des témoins attestent avoir vu des arrestations de plusieurs dizaines d’étudiants et professeurs. Des vidéos qui circulent montrent des jeunes, cagoule noire sur la tête, embarqués dans des fourgons de police.

Étudiants et professeurs de nombreux pays ont exprimé leur colère à la suite de ces événements inqualifiables et exigent la libération de leurs camarades détenus par la police. Notre inquiétude est grande pour toutes celles et tous ceux qui manifestent et se soulèvent aujourd’hui en Iran.

L’organisation non gouvernementale Iran Human Rights fait état d’un bilan particulièrement lourd et évoque plus de 90 morts, tandis que le ministère des renseignements iranien revendique l’arrestation de neuf ressortissants de pays européens, dont la France, pour leur rôle dans les manifestations.

L’avocate iranienne et prix Nobel de la paix Shirin Ebadi a récemment soutenu qu’il revient aux pays occidentaux de réduire leurs contacts avec l’Iran parce qu’un « pouvoir qui est aussi sourd aux demandes de son peuple doit être totalement boycotté d’un point de vue politique ». À l’unanimité, les différents groupes politiques du Sénat vous le demandent également aujourd’hui, madame la ministre.

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