Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Malala Yousafzai avait 15 ans lorsque des talibans lui ont tiré une balle dans la tête alors qu’elle se rendait à l’école. Amina Ali avait 17 ans lorsque des mercenaires de Boko Haram l’ont enlevée, avec 219 autres jeunes filles, alors qu’elle était au lycée. Mahsa Amini, arrêtée par la police des mœurs, avait 22 ans lorsqu’elle est morte dans les geôles iraniennes alors qu’elle avait laissé s’échapper quelques mèches de cheveux de son voile. Toutes avaient en commun de vouloir vivre libres dans des États où le pouvoir religieux, militaire ou politique le leur interdisait parce qu’elles étaient des femmes.
La mort de Mahsa Amini nous bouleverse comme elle a bouleversé son pays. Elle a suscité une vague de courage admirable chez des femmes et des hommes que tout menace. À ce jour, plus de soixante personnes ont donné leur vie après que Mahsa a perdu la sienne, et ils sont des milliers à la risquer dans les rues en Iran, au nom de la plus haute idée qu’ils se font de la dignité humaine.
Dans notre pays, où les allégories de la liberté prennent si souvent les traits de femmes, le cri des Iraniennes résonne avec un écho particulier. En Occident, nous savons combien le chemin vers la liberté est ardu, long et exigeant, jamais garanti, bien qu’il habite notre philosophie depuis des siècles. Nous savons également ce que la lutte pour les droits des femmes suppose de cette même exigence.
S’il veut honorer cette promesse faite au monde, cette assurance qu’il se battra toujours pour que chacun, quel qu’il soit, puisse vivre sans crainte pour son existence et que jamais une femme ne meure du simple fait d’être femme, l’Occident se doit profondément d’être cohérent face à un État qui a fait de l’oppression des femmes un marqueur de sa politique. Il y va de ce que nous sommes.
L’histoire récente de l’Iran nous montre que rien n’est acquis. Il nous incombe d’œuvrer pour que de telles menaces ne prennent jamais racine sur notre territoire. La radicalité, qu’elle soit religieuse ou politique, n’a sa place ni dans les principes qui nous fondent, ni dans les traités qui nous régissent, ni dans les lois que nous élaborons. Nous devons aux femmes iraniennes de ne pas laisser se répandre chez nous ce qu’elles veulent tant voir disparaître chez elles.
Madame la ministre, le radicalisme politique et religieux qui s’attaque aux droits de l’homme en Iran s’embarrasse peu des frontières. Nous savons bien qu’il pèse aussi, à moindre degré, en Europe et dans notre pays. On ne peut pas indéfiniment chérir les causes dont on déplore les conséquences.
Le temps mis pour expulser Hassan Iquioussen, l’augmentation du nombre de signalements d’atteintes à la laïcité à l’école, que le ministre Pap Ndiaye confirmait la semaine dernière, ou encore la campagne de communication du Conseil de l’Europe La liberté dans le hijab ne sont que quelques exemples d’un entrisme inquiétant opéré parfois avec le concours passif de l’État.