Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ce débat et de vos interventions, très largement convergentes entre elles, et avec nos propres lignes.
Vous l’avez tous rappelé, le 16 septembre dernier, Mahsa Amini est morte, à 22 ans, sous les coups de la police des mœurs de la République islamique d’Iran, qui l’avait arrêtée au prétexte qu’elle aurait mal porté son voile. Une vie détruite. Et pourquoi ? Pour une mèche de cheveux dépassant d’un voile…
Quelques jours plus tard, une autre jeune fille, puis tant d’autres étaient victimes de la même violence, lorsque la répression du régime s’abattit brutalement sur les manifestantes et les manifestants partout en Iran : de Saqqez, la ville natale de Mahsa Amini, à la ville sainte de Qom ; de Mashhad à Téhéran, de Chiraz à Ispahan ou à Karaj. Tant de vies détruites parce que ces jeunes femmes osaient revendiquer leur liberté, parce qu’elles osaient affirmer que leur dignité valait non pas moins, mais autant que celle d’un homme.
C’est aujourd’hui un même cri qui retentit : « Femmes, vie, liberté ! » C’est ce cri que le régime cherche à étouffer par la censure et par la violence.
À ce jour, les ONG ont fait état de plus de 100 victimes – sans doute le chiffre réel est-il supérieur – et de plus de 1 000 arrestations de militantes et de militants, d’avocats et d’avocates, de journalistes, de citoyens, de femmes et d’hommes unis par la même volonté d’émancipation.
« Femmes, vie, liberté ! » C’est ce cri aussi que la diaspora iranienne entonne en écho de Paris à San Francisco, de Londres à Rome ou à Erbil.
Dès le 19 septembre, la France a condamné avec la plus grande fermeté les violences ayant entraîné la mort de Mahsa Amini et la violence utilisée contre les manifestants.
Comme je l’ai rappelé hier à l’Assemblée nationale, nous avons appelé les autorités iraniennes à respecter le droit de manifester pacifiquement, le droit au rassemblement, ainsi qu’à respecter l’exercice de leur métier par les journalistes. Nous l’avons fait officiellement, et je l’ai fait moi-même auprès de la presse en marge de l’assemblée générale des Nations unies ou ici en France à plusieurs reprises.
Les autorités iraniennes ont considéré qu’il s’agissait d’une forme d’ingérence que de rappeler les principes fondamentaux des droits de l’homme. Elles ont cru bon de le faire savoir à notre ambassade sur place. J’ai donc décidé de faire convoquer le chargé d’affaires de l’ambassade d’Iran à Paris – il n’y a pas en ce moment d’ambassadeur d’Iran –, qui a été reçu vendredi dernier au Quai d’Orsay, où il lui a été clairement dit ce que nous pensons des méthodes iraniennes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui se joue dans les rues de Téhéran et dans les autres villes iraniennes, c’est la liberté. Il y a d’un côté la répression : une répression brutale que nous condamnons dans les termes les plus forts ; une répression menée contre des femmes et des hommes qui manifestent pour le respect de leurs droits et de leur dignité ; une répression que nous avons dénoncée à plusieurs reprises et – je peux vous rassurer sur ce point – que nous continuerons à dénoncer. Nous le faisons au Conseil des droits de l’homme, à Genève. Nous le faisons dans toutes les enceintes internationales. Nous le faisons dans chacun de nos échanges bilatéraux, quel qu’en soit le niveau.
Rappelons aussi que l’Iran a lui-même souscrit aux principes fondamentaux que nous défendons ici, puisqu’il a adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques des Nations unies en 1975.
Madame Billon, l’Iran a effectivement été élu à la commission de la condition de la femme des Nations unies, comme le voulait la règle majoritaire qui prévaut au sein de chaque groupe géographique. Au demeurant, cet organe est utile, car il produit des documents de référence sur la situation des droits des femmes dans les pays, ce qui permet de mieux savoir ce qui se passe.
En face des autorités, il y a une aspiration à la liberté, non seulement face aux auteurs de la répression, mais partout. Car cette aspiration à la liberté, nous la voyons s’exprimer partout. Les femmes d’Iran veulent vivre libres, et un grand nombre d’Iraniens les suivent désormais. Des villages kurdes d’Iran aux métropoles du Baloutchistan, de la Caspienne au Golfe, les femmes d’Iran veulent vivre libres. Les femmes d’Iran veulent que leurs droits soient garantis. Les femmes d’Iran aspirent à ce que leur égale dignité soit respectée. Le courage des femmes iraniennes force l’admiration et nous oblige. Nous soutenons leurs aspirations et nous continuerons à les soutenir, mesdames, messieurs les sénateurs.
Nous sommes en première ligne pour agir avec nos partenaires européens. Notre réponse doit être à la hauteur de l’enjeu. En ce sens, nous avons lancé dès la semaine dernière, avec nos partenaires européens, des travaux afin de sanctionner les auteurs de la répression. Il s’agira de geler les avoirs et de retirer le droit de voyager aux individus identifiés comme responsables des violences. Madame la sénatrice Carlotti, nous espérons que ce soit fait d’ici huit à dix jours. Mais – dois-je le rappeler ? – nous sommes vingt-sept pays.
Madame Vogel, les négociations sur le retour au Joint Comprehensive Plan of Action (JCPOA) se sont conclues par la présentation d’un texte que l’Iran n’a pas, pour l’heure, accepté. En d’autres termes, elles ne se déroulent pas. La conclusion d’un accord aurait un fort intérêt pour empêcher l’Iran d’accéder au seuil nucléaire, ce qui – chacun en conviendra – serait de loin préférable.
Nous resterons totalement mobilisés aux côtés des Iraniens qui se battent pour leur droit à la dignité. Comme vous le savez, les violations des droits de l’homme en Iran n’ont – hélas ! – pas attendu les événements récents. Nous continuerons d’appeler l’Iran à mettre fin aux discriminations et à toutes les formes de violence envers les femmes et les filles, à interdire les mariages précoces et à permettre l’accès des Iraniennes à leurs droits en matière de santé sexuelle et reproductive.
Il ne s’agit pas seulement de l’obligation de porter le voile. L’oppression que subissent les femmes iraniennes est brutale, inscrite dans les lois de la République islamique autant que profondément enracinée dans les mœurs du régime. Aucune société, nous le savons, ne peut se développer sereinement si elle n’assure pas l’égalité entre femmes et hommes, qui est une condition du développement et le gage d’une société libre, un élément fondamental de la justice indispensable à nos vies.
Ce combat essentiel n’est donc pas notre seul combat, parce qu’une société injuste avec les femmes est, tout simplement, une société injuste pour tous.
Nous continuerons à dénoncer les arrestations arbitraires de cinéastes, de militants des droits de l’homme, de femmes et d’hommes engagés pour la défense de la liberté d’expression, d’étudiants, de journalistes. Nous continuerons à dénoncer les exécutions auxquelles il est procédé, y compris les exécutions de mineurs.
Nous le faisons et nous le ferons, parce que c’est notre responsabilité. Nous le faisons et nous le ferons, parce que nous avons le droit moral et politique de défendre les valeurs qui sont les nôtres.
Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nous le disons tous ensemble : la femme est l’égale de l’homme, en Iran comme ailleurs !