Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d’abord à saluer le travail substantiel des rapporteurs et à vous remercier de m’avoir invité.
À la question de savoir si les outre-mer sont à la hauteur des enjeux, je répondrais que c’est la prise en compte des outre-mer partout et tout le temps, par l’ensemble des décideurs publics français, qu’il nous faut améliorer, et pas simplement sur la mer. Il y a là un enjeu fort.
La France dispose du deuxième espace maritime mondial ; elle le doit à ses outre-mer. Mieux : elle est le seul pays au monde à être présent sur les quatre océans. Cette profondeur stratégique unique lui confère un rôle central dans le concert international.
Le premier enjeu de la place des outre-mer dans la stratégie maritime est effectivement celui de la souveraineté. Les vastes espaces maritimes et littoraux de la France d’outre-mer sont aussi des joyeux de la biodiversité marine et littorale, qui s’étend du pôle Nord au pôle Sud, de la forêt boréale de Saint-Pierre-et-Miquelon aux colonies de manchots empereurs des Terres australes, en passant par le merveilleux lagon de Mayotte. Ces joyaux, que je connais tous, sont convoités. En plus, ils font face au défi du changement climatique. Leur préservation doit constituer une priorité absolue.
Par ailleurs, les outre-mer sont très dépendants de la mer pour assurer le développement économique et la vie quotidienne des populations. La création de valeur, qui est désormais mon leitmotiv, passe nécessairement par le développement d’une économie bleue durable et résiliente et par des ports en bonne santé.
Votre rapport met au premier plan l’enjeu de la souveraineté. C’est une priorité que je partage. Si la France n’est pas capable d’assurer sa pleine souveraineté dans ses espaces maritimes, il est inutile de parler d’environnement et, plus encore, de développement économique. Assurer la souveraineté de nos espaces maritimes, c’est d’abord être en capacité de les surveiller par la terre, par la mer et dans les airs. La France assure une présence militaire permanente dans la quasi-totalité des territoires, y compris ceux qui sont inhabités. Cette présence est plus forte dans le canal du Mozambique, où les enjeux de souveraineté sur la mer sont plus importants, qu’au large de la Guyane.
Depuis 2017, la marine nationale déploie de nouveaux navires mieux adaptés aux besoins des outre-mer. C’est un renouvellement sans précédent : treize nouveaux bâtiments dédiés uniquement aux outre-mer auront été livrés au 1er janvier 2026.
Les moyens aériens traditionnels sont, eux aussi, en cours de renouvellement. Ceux-ci doivent être complétés par d’autres équipements, comme les drones ; le ministère des armées y travaille.
Nos vastes ZEE donnent à la France des droits exclusifs d’exploration, d’exploitation, de préservation et de gestion des ressources. Il faut les protéger contre les appétits de tout un chacun à l’extérieur, mais également mieux les connaître.
On met souvent en avant le fait que les outre-mer représentent 97 % de notre espace maritime. Mais on oublie souvent que leur part dans la biodiversité française est de 80 %. Pourtant, s’il est un domaine où les outre-mer devraient être montrés en exemple, c’est bien celui de la protection de la biodiversité.
Comme vous le savez, la France prend des initiatives fortes pour la protection des coraux et des mangroves. Grâce à la réserve naturelle nationale des Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), notre pays a déjà atteint l’objectif de classer 30 % de ses espaces maritimes et terrestres en aires protégées. C’est un apport considérable des outre-mer à la stratégie française.
Préserver la biodiversité, c’est aussi mieux la connaître. Les îles Éparses constituent de magnifiques espaces d’observation du changement climatique et font l’objet de débats internationaux. Avec la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je signerai bientôt une feuille de route permettant de pérenniser les efforts de la recherche dans ces îles. Les moyens importants du plan France 2030 consacrés à la connaissance des grands fonds marins ont pleinement vocation à être utilisés dans les outre-mer. Je pense ici au Pacifique, mais aussi à la surveillance du volcan sous-marin de Mayotte.
La connaissance et la protection des milieux marins figurent au cœur des perspectives de développement de l’économie bleue. Celle-ci occupe déjà une part non négligeable de l’économie des outre-mer. Dans les départements et régions d’outre-mer, elle représente ainsi entre 5 % et 10 % du PIB. Elle est principalement centrée sur le triptyque port – beaucoup reste à faire –, pêche et tourisme, ces trois domaines devant s’adapter aux enjeux du XXIe siècle : changement climatique et souverainetés économique, énergétique et alimentaire.
La fonction centrale des ports dans l’approvisionnement des territoires doit être consolidée. Ceux-ci doivent également accélérer leur transition écologique. L’activité des bateaux de croisière sera développée uniquement si tous les ports sont électrifiés. À défaut, il y aura des réactions hostiles, et cela ne marchera pas.
J’ai la conviction que les grands ports ultramarins peuvent jouer le rôle d’accélérateurs de la transition énergétique outre-mer, notamment en termes d’emploi de carburants alternatifs. Les ports veulent également s’adapter aux évolutions des normes de transport. Je pense aux annonces récentes de la Compagnie maritime d’affrètement-Compagnie générale maritime (CMA-CGM) sur la desserte des Antilles ; nous y reviendrons.
Le secteur de la pêche figure au cœur du défi de l’autonomie alimentaire dans les outre-mer. Il est ahurissant que plus de 80 % du poisson consommé aux Antilles soit importé. Les pêcheurs ultramarins doivent pouvoir pêcher mieux. C’est le sens de notre combat en faveur du renouvellement des flottes.
L’économie bleue dans les outre-mer comprend aussi des secteurs en devenir, comme l’industrie navale ou les énergies marines renouvelables, pour lesquelles les outre-mer font preuve d’excellence ; c’est déjà le cas de la Polynésie, et cela le sera bientôt pour la Guyane.
Il est difficile de résumer en quelques minutes 97 % de la puissance maritime française. Je vous remercie de la faire valoir dans le cadre de votre rapport et de ce débat ; c’est fondamental. Si ces sujets ne sont pas suffisamment évoqués, nous en sommes tous responsables.
La création de valeur dans les outre-mer, mon leitmotiv, et la définition d’une feuille de route économique pour chaque territoire sont au cœur de la mission que le Président de la République m’a confiée. Je m’attelle à la remplir. Il y aura nécessairement une forte nuance bleue, tant la mer est liée aux outre-mer, et réciproquement.
L’État – c’est votre souhait, et c’est le mien – accompagnera les territoires dans le développement d’une économie bleue durable et résiliente, pour que les outre-mer soient réellement au cœur de la stratégie maritime de la France.