– Permettez-moi de rappeler les conditions dans lesquelles a été élaboré l’avis 139 intitulé Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité.
En juin 2021, j’ai souhaité que le CCNE s’autosaisisse de ce sujet, indépendamment d’une commande politique. Un groupe de travail a été constitué et trois rapporteurs ont été nommés. Ils ont auditionné plus de 40 personnes et ont présenté leur travail au CCNE en séance plénière. Toutefois, en fin d’année, une partie des membres du CCNE a changé. Ainsi l’avis 139 n’a-t-il été voté, à une très large majorité, que fin juin 2022.
Une partie des membres du groupe de travail a porté un avis minoritaire sur les recommandations qui pouvaient être faites, ce que je considère comme très sain sur un sujet aussi difficile. Elle a ensuite réfléchi aux conditions dans lesquelles elle souhaitait présenter cet avis minoritaire. Cela s’est fait sous la forme d’une réserve.
Le CCNE est une instance d’intelligence collective. Elle doit tenir compte des avis minoritaires ou différents. Toutefois, sur le fond, la très large majorité des membres du CCNE a voté cet avis, la réserve n’ayant été adoptée que par huit membres sur quarante-cinq.
L’avis comporte trois parties. La première rappelle tout ce qui a déjà été discuté au cours des vingt dernières années, et dresse le bilan de la loi Claeys-Leonetti. Cette loi est-elle suffisamment connue et appliquée ? La réponse est non, qu’il s’agisse du grand public ou des professionnels de santé. La politique de soins palliatifs menée en France depuis de nombreuses années n’est pas à la hauteur d’un grand pays comme le nôtre. Ainsi, dans un certain nombre de départements, il n’existe pas encore de soins palliatifs. Autre cas de figure, les soins palliatifs sont dans un corner par rapport à la structure hospitalière. En outre, dans les Ehpad ou à domicile, les soins palliatifs sont très peu développés.
Dans la deuxième partie de l’avis, nous nous sommes intéressés aux situations auxquelles la loi Claeys-Leonetti ne répondrait pas totalement. Nous avons identifié un certain nombre de cas concernant les personnes atteintes de maladies chroniques dégénératives ou de maladies incurables à moyen terme, soit au bout de quelques semaines ou quelques mois. Nous avons précisé les conditions éthiques dans lesquelles une porte pourrait être entrebâillée sur une vision nouvelle de ce que pourrait être une mort dans la dignité.
La troisième partie vise à permettre qu’un grand débat national puisse s’ouvrir sur ce sujet. Le Président de la République, dans son communiqué, a suivi le CCNE. Ce débat concernera le CESE, qui organisera une convention citoyenne, le CCNE et les espaces éthiques régionaux, qui mettront en place des réunions d’information pour les citoyens, lesquels sont perdus dans la terminologie, mais aussi le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie, qui sera à l’écoute des équipes soignantes impliquées dans les soins palliatifs. Car, dans notre pays, on a médicalisé la mort depuis de nombreuses années, puisque 90 % des décès surviennent à l’hôpital.
Finalement, la question essentielle est la suivante : notre mort nous appartient-elle ou appartient-elle à la société, qui l’a déléguée aux médecins ? Cette question fondamentale est désormais sur la table.