– Le président du CCNE a posé le sujet de l’équilibre entre la solidarité et l’autonomie de la personne. Pourquoi avons-nous décidé de nous en autosaisir ?
Tout d’abord, le débat animait la société et des initiatives parlementaires avaient été prises. Ensuite, la situation des soignants dans les hôpitaux et les Ehpad témoignait d’un véritable mal-être, ces derniers constatant un manque de moyens pour prendre correctement en charge les patients. Enfin, la période du covid a engendré des drames dans les Ehpad.
Depuis vingt ans, les parlementaires ont travaillé pour relier les deux bouts de la chaîne, à savoir la solidarité et l’autonomie. Je pense à la loi de 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs - sous doute faudrait-il les renommer « soins d’accompagnement » -, qui témoigne de la volonté de solidarité de la Nation. Je pense également à la loi Kouchner de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, qui vise à renforcer le pouvoir des patients dans le cadre de l’arrêt d’un traitement. Et je pense aussi à la loi Leonetti de 2005, qui concernait l’obstination déraisonnable. Ce sujet reviendra d’actualité dans les jours qui viennent, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité. Je pense enfin à la loi de 2016, qui visait à créer trois nouveaux droits : la directive anticipée opposable, la personne de confiance et la sédation profonde et continue jusqu’au décès.
Dans ce cadre législatif, on a toujours cherché l’équilibre entre solidarité et autonomie, ce qui soulève trois questions.
Les trois questions auxquelles nous devions répondre sont assez simples.
D’abord, les lois que j’ai énumérées sont-elles correctement appliquées sur l’ensemble du territoire ou bien y a-t-il des inégalités sociales ou territoriales dans leur application ? Nous répondons que, clairement, de telles inégalités existent, par exemple en matière d’offre de soins palliatifs selon les départements, mais nous déplorons également l’absence, à l’échelon national, de recherche et de professeurs d’université-praticiens hospitaliers (PU-PH) dans cette discipline. Du reste, je parlais d’accompagnement et on constate une volonté de mobilité de la part des familles, afin de ne pas terminer sa vie à l’hôpital. Or le retard des soins palliatifs est grand, tant dans les Ehpad qu’à domicile.
Ensuite, y a-t-il une dévaluation la loi de 2016 ? Selon nous, non ; simplement, elle demeure méconnue. Par exemple, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a dû recruter une infirmière ayant travaillé en cancérologie, en soins palliatifs et dans un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), afin de populariser la notion de directive anticipée, auprès tant des patients que du corps médical. On constate la même ignorance à l’égard de la sédation profonde et continue. Cette loi va faire l’objet d’une évaluation de l’Assemblée nationale.
J’en viens enfin à la troisième question, qui ne doit pas être dissociée des deux autres, car ce serait un contresens que de réduire l’avis du CCNE à l’aide active à mourir : existe-t-il des situations particulières auxquelles même la loi de 2016 ne répond pas et sur lesquelles on peut légitimement s’interroger ? On touche là à la question de l’autonomie, car il ne saurait y avoir d’autonomie sans solidarité. Une société qui laisserait aux personnes seules la prise en compte de la mort serait inacceptable. Nous avons donc abordé ce sujet, en nous demandant s’il était éthique pour le législateur de l’aborder et comment l’encadrer.
Sur les recommandations, je ne développe pas ; sans doute, il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’opportunité d’un référendum, mais, d’après nous, eu égard à la complexité du sujet, c’est à la démocratie représentative de s’en emparer, après l’organisation d’une conférence citoyenne.