Intervention de Jean-François Delfraissy

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 octobre 2022 à 14h00
Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité — Audition du professeur jean-françois delfraissy président du comité consultatif national d'éthique ccne et de Mm. Régis Aubry et alain claeys rapporteurs sur l'avis du ccne

Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d’éthique :

– Le CCNE prend la mesure de la complexité des enjeux. Son ambition est que ses travaux servent de boussole dans les discussions. La main ne peut que trembler lorsqu’on écrit sur un sujet aussi fondamental. Toutefois, d’autres pays ont su évoluer sur la question, de sorte qu’il est légitime que nous l’examinions aussi en France.

Il y a sept ou huit ans, nous n’aurions pas forcément rendu un avis très différent. J’en veux pour preuve que dans l’avis 129, publié à la suite des États généraux de la bioéthique, en 2018, figurait la mention de certaines situations très particulières.

Toutefois, le rôle du CCNE est-il de défendre quoi qu’il en coûte des valeurs qui se contredisent entre elles ou bien de prendre en compte les évolutions de notre société ?

Les soins palliatifs ont considérablement évolué au cours des dernières années, même si ce n’est sans doute pas suffisant. La médecine en vient à créer des conditions très particulières, certains patients pouvant se retrouver en cinquième ou sixième ligne de chimiothérapie pour un cancer en stade quatre. Que faire de ces cas très complexes qui n’existaient pas il y a dix ans ? N’est-ce pas le rôle du CCNE que de tenir compte des progrès de la science et des évolutions sociétales ?

En ce qui concerne les soignants, j’ai vécu les transformations qu’ils ont connues dans les années 1990, au moment de l’épidémie de sida. Il n’existait pas alors de loi et nous prenions des décisions en notre âme et conscience. Puis, le Parlement a élaboré des lois avec lesquelles la jeune médecine doit désormais composer.

N’y a-t-il pas une contradiction à demander au médecin de sauver de la mort et de donner la mort ? C’est certain. Dans les modèles, il faudra donc préciser la notion d’assistance à l’euthanasie : par exemple, dans le modèle suisse, la décision de fournir le médicament doit être collégiale.

Il conviendra aussi de prendre en compte le devoir de réserve. En effet, dès lors que 90 % des décès ont lieu en milieu médicalisé, faut-il que les médecins restent seuls à décider ou bien qu’une partie des décisions soit laissée dans les mains de l’individu ? D’autant que si les médecins ne souhaitent pas prendre de décision, ils peuvent exercer leur devoir de réserve.

L’Espagne a voté une loi sur le sujet, il y a trois ans, mais sans prendre le temps de se concerter avec les équipes soignantes, de sorte que le texte est bloqué, car personne ne veut l’appliquer. Il faut écouter les équipes soignantes et l’ensemble du corps médical qui accompagne les patients.

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