Je ne suis que la première signataire de ce texte ; nombreux sont nos collègues, issus de sept groupes politiques, qui l'ont signé après moi.
L'objectif politique de cette proposition de loi constitutionnelle est simple : il s'agit de garantir que toute loi qui ferait régresser le droit à l'avortement en France serait anticonstitutionnelle. Nous n'entendons pas modifier l'état actuel du droit, mais nous assurer qu'à droit constant la protection du droit à l'avortement soit de niveau constitutionnel et non plus seulement législatif. Évidemment, cette protection ne serait pas absolue, comme la Constitution peut être modifiée, mais elle serait tout de même supérieure.
Pourquoi l'avons-nous déposée ? D'abord, nous nous trouvons aujourd'hui dans un contexte de régression de droits des femmes dans le monde, non seulement aux États-Unis, mais aussi en Hongrie et en Pologne, peut-être bientôt en Italie, voire en Suède. En France, un consensus très important existe en faveur du droit à l'avortement ; plus de 80 % de la population est favorable à son inscription dans la Constitution. Cette adhésion est très forte dans toutes les catégories sociales, quelle que soit l'appartenance religieuse ou l'opinion politique.
Selon nous, la Constitution, notre contrat social fondamental, doit refléter l'état d'attachement de la population à certains droits. Ainsi en fut-il de l'abolition de la peine de mort, inscrite dans la Constitution en 2007, vingt-six ans après la loi Badinter. On ne l'a pas fait parce qu'une menace imminente pesait, mais à l'occasion de la ratification du protocole de New York, pour affirmer qu'on ne pourrait pas revenir sur cette abolition.
Nous n'importons pas des débats étrangers ; au contraire, on a ici l'occasion d'exporter une avancée française, en ancrant ce droit dans notre Constitution. Pour beaucoup de mouvements qui, dans différents pays, défendent les droits des femmes, ce serait une source d'inspiration et d'avancées.
J'en viens à la méthode. Trois textes ont été déposés au Sénat, deux à l'Assemblée nationale. La présente proposition de loi constitutionnelle a pour vocation d'être partagée par le plus grand nombre de nos collègues, en combinant plusieurs versions proposées. Je ne tiens pas à la formulation exacte de son article unique ; j'ai d'ailleurs déposé deux amendements pour répondre à d'éventuelles critiques. Il importe surtout de montrer au Gouvernement la volonté du Parlement de rehausser le niveau de protection juridique de ce droit. Nous voulons que le Gouvernement se saisisse de cette question en déposant lui-même un projet de loi constitutionnelle. Je fais confiance aux services juridiques des ministères concernés pour trouver la formulation parfaite et le bon emplacement dans la Constitution. Le plus important est aujourd'hui d'envoyer un message, pour nous-mêmes, pour les Françaises et les Français qui plébiscitent cette avancée, mais aussi pour les mouvements qui se battent pour les droits des femmes partout dans le monde.