Considérer la décision de la Cour suprême des États-Unis comme une simple question de droit est une plaisanterie ! Cette décision a été prise par des juges ultraconservateurs ; tout le monde reconnaît la pauvreté des arguments juridiques avancés. Il ne s'agit pas de droit, mais d'idéologie ! Une cour constitutionnelle peut, à un moment donné, être pétrie d'idéologie. Il est donc dangereux de compter sur la pérennité du bon vouloir de cours constituées d'individus dont les valeurs peuvent varier : nous ne sommes pas immunisés par l'existence de notre Conseil constitutionnel, car le juge lui-même peut être le vecteur d'une restriction des libertés.
Par ailleurs, cette proposition dépasse largement le domaine médical et personnel et concerne plus largement le droit des femmes, qui est remis en cause dans de nombreux pays, y compris des démocraties. Dans un contexte de grande volatilité politique, l'inscription de ce droit dans la Constitution peut sembler déterminante. J'entends le raisonnement essentiellement juridique de la rapporteure, mais une Constitution ne se réduit plus, depuis longtemps, à organiser le fonctionnement des institutions et à poser des règles de droit : c'est aussi un pacte social, avec un aspect symbolique fort. Le Conseil constitutionnel se réfère d'ailleurs dans ses décisions à un bloc de constitutionnalité plus large que le simple texte de la Constitution. Inscrire un tel symbole dans celle-ci me semble donc particulièrement important à notre époque et il serait étonnant de ne pas le faire au nom du droit. J'entends cependant les remarques de notre rapporteure sur les risques de la procédure employée.