Merci, M. le président. Je dirige avec mon mari une entreprise familiale que j'essaie actuellement de transmettre à mes enfants.
Nous sommes confrontés à un premier problème, celui de la crise du Covid, qui a reporté un grand nombre de transmissions.
De nombreux de chefs d'entreprises auraient souhaité vendre au cours des deux dernières années, et n'ont pas pu le faire en raison de la pandémie. Pour cette raison, davantage d'entreprises devront être cédées dans les années à venir.
Il existe deux types de transmissions : celles qui concernent les TPE et les PME, et celles qui touchent les PME, voire les ETI.
S'agissant des TPE et des PME de petite taille, ce sont en général les experts-comptables qui guident les chefs d'entreprise vers la transmission, familiale ou non, ce qui n'est pas sans poser problème. En effet, il ne s'agit pas du coeur de métier de ces professionnels.
De ce fait, les chefs d'entreprise se trouvent confrontés à des problèmes de méconnaissance. Par exemple, ils préfèrent vendre leur fonds de commerce plutôt que leurs parts de société, alors que les droits sont 20 fois supérieurs. Les experts-comptables les effrayent en leur parlant de contrôles fiscaux. De plus, ils ne connaissent pas bien le mécanisme de la garantie d'actifs et de passifs.
Le problème de base est donc d'ordre financier. Il est onéreux de faire appel à un conseiller juridique pour vendre une entreprise qui coûte moins de 100 000 euros. De ce fait, les chefs d'entreprise vendent dans de mauvaises conditions, et pas nécessairement avec les bons outils.
Dans le cas des grandes PME et des ETI, dont la valeur est supérieure, des experts assistent les chefs d'entreprise, ce qui présente de nombreux avantages. En revanche, le coût peut rapidement devenir exorbitant. Les conseillers juridiques mettent en avant l'importance du pacte Dutreil, notamment dans le cadre d'une transmission familiale.
Deux possibilités se présentent : la vente dans un cadre familial ou à l'extérieur. Cette deuxième option est relativement simple : la vente s'effectue avec un expert conseil et implique simplement de payer des droits.
En revanche, en cas de vente de son entreprise dans un pacte familial, il est conseillé d'opter pour un pacte Dutreil, dont le coût financier peut descendre d'une échelle de 17 à 1. Le pacte Dutreil présente de grandes qualités, mais aussi d'énormes défauts, notamment de forme.
Une entreprise familiale d'une certaine taille est souvent composée de plusieurs structures juridiques, dont une holding. Or, dans un pacte Dutreil, la première question qui est posée porte sur le fait que cette holding est ou non animatrice.
Néanmoins, l'administration fiscale n'a jamais donné aucune définition de ce qu'est une holding animatrice. Un pacte Dutreil peut être entièrement remis en cause si la holding que les experts considèrent comme animatrice n'est plus qualifiée comme telle dans le cadre d'un contrôle fiscal. L'enjeu financier est tel que la transmission peut ne plus avoir lieu, ou être complètement abandonnée quelques années après le pacte.
Par ailleurs, nous devons valoriser les sociétés que nous souhaitons transmettre. Toutefois, quel expert se charge de cette valorisation, et qui prend le risque de conseiller un chef d'entreprise ?
L'administration fiscale procède à une valorisation qui n'est pas marchande, mais fiscale. Une fois encore, nous faisons face à un vrai problème : nous devons valoriser nos sociétés à partir du Code des impôts, qui date de plus de 10 ans. De plus, cette valorisation fiscale ne se trouve absolument pas en corrélation avec la valeur marchande des sociétés : elle peut s'avérer favorable ou défavorable.
Pour mettre en place le pacte Dutreil, nous sommes donc obligés de faire appel à des experts, avec un coût financier énorme. C'est la raison pour laquelle de nombreux chefs d'entreprise préfèrent procéder à une vente à l'extérieur plutôt que prendre les risques du pacte.
Une entreprise familiale, qui est souvent vendue aux enfants, est toutefois fragilisée avec et sans pacte Dutreil. Sans pacte, la vente est pratiquement infaisable pour les enfants, qui ne disposent pas souvent des moyens nécessaires. Si la transmission familiale est la meilleure des solutions, elle est donc vraiment complexe.
Une entreprise qui est transmise familialement présente 93 % de chances de survie, ce qui n'est pas le cas avec une transmission non familiale ; d'où l'intérêt de recourir au pacte Dutreil et à ce type de transmission.
Au titre de la CPME, je demande qu'un délai soit accordé aux chefs d'entreprises pour se mettre en conformité avec la législation (hormis celle en matière d'hygiène et de sécurité).
Un abattement de 500 000 euros est proposé au moment du départ à la retraite. Ce n'est toutefois pas au moment du départ à la retraite qu'un chef d'entreprise a besoin de cet abattement, mais au cours de sa vie professionnelle, notamment pour pouvoir réinvestir dans une affaire plus importante.
Il s'y ajoute un problème complexe de forme : le mécanisme de droit d'information préalable des salariés. Il n'y a aucun intérêt à fermer une entreprise plutôt que la vendre à ses salariés. Si un chef d'entreprise sait pouvoir disposer d'une bonne équipe de salariés et d'un encadrement qui est en mesure de racheter son entreprise, il y est nécessairement favorable.
Ce droit d'information pollue la vie des chefs d'entreprise plutôt qu'il ne la simplifie. Si nous pouvions revenir sur ce mécanisme, ce serait donc une très bonne chose.
Je pense enfin au droit civil. Les chefs d'entreprise ne sont pas nécessairement mariés sous le bon statut juridique pour vendre leur entreprise. Dans certains cas, il est plus facile de divorcer et de se remarier que de changer de statut matrimonial. Je ne suis pas certaine que cela soit très logique.