Intervention de Jean-françois Desbuquois

Délégation aux entreprises — Réunion du 27 janvier 2022 à 9h06
Table ronde sur la transmission d'entreprise « les enjeux spécifiques de la transmission perçus par les experts » avec m. jean-françois desbuquois avocat associé du cabinet fidal membre du cercle des fiscalistes et de l'institut des avocats conseils fiscaux iacf m. bernard fraioli président de l'association des cédants et repreneurs d'affaires cra et m. alain tourdjman directeur des études économiques et de la prospective en charge de bpce l'observatoire du groupe banque populaire-caisse d'épargne bpce

Jean-françois Desbuquois, avocat associé, membre du Cercle des fiscalistes et de l'IACF :

Merci, Monsieur le Président. Il faut distinguer deux types de transmissions, qui sont très différents sur le plan économique, juridique et fiscal :

- les cessions familiales à titre gratuit ;

- les cessions à titre onéreux.

S'agissant des cessions à titre gratuit, les opérations sont restées relativement stables depuis la dernière audition à laquelle j'avais participé en 2018.

Si le dispositif Dutreil a été amélioré par la loi de finances de 2019, des difficultés d'application sont malheureusement survenues, car l'administration n'avait pas produit ses commentaires administratifs.

Il en a résulté une forme d'insécurité, qui a été levée il y a quelques semaines. Depuis le 21 décembre 2021, nous disposons en effet du mode d'emploi du nouveau pacte Dutreil.

Par ailleurs, la pandémie a quelque peu freiné les transmissions d'entreprises.

Nous observons toutefois des facteurs de rebond. Tout d'abord, les nouveaux commentaires du pacte Dutreil nous permettent d'utiliser celui-ci. De plus, la pandémie a provoqué un choc psychologique chez les chefs d'entreprise, qui les a conduits à réfléchir plus en amont à la problématique de la transmission.

En termes factuels, la seule information dont nous disposons est le nombre d'utilisations du pacte Dutreil chaque année. Environ 2 000 à 2 500 transmissions bénéficient d'exonérations annuellement. Cela correspond à des opérations très différentes :

- une transmission d'entreprise relativement petite détenue à 100 % par une personne qui transmet le capital et le pouvoir dans une seule opération : ce cas n'est pas le plus fréquent ;

- une transmission échelonnée dans le temps : le capital est transmis progressivement, à plusieurs moments de la vie du chef d'entreprise, et le pouvoir est transmis in fine ;

- la transmission d'une ETI ancienne détenue depuis plusieurs générations : dans ce cas, le capital peut être morcelé entre un grand nombre d'actionnaires familiaux, dont aucun n'est dirigeant.

S'agissant des dispositifs eux-mêmes, le pacte Dutreil a connu une évolution technique en 2019. De plus, nous allons pouvoir commencer à le faire fonctionner grâce aux nouveaux commentaires administratifs.

Je ne pense pas qu'une nouvelle réforme sur les conditions elles-mêmes soit nécessaire. En revanche, nous pouvons réfléchir aux taux d'exonération. Il ne serait pas très complexe d'augmenter les taux et ainsi d'améliorer la puissance fiscale du dispositif.

De plus, nous pourrions résoudre le problème technique d'articulation avec un régime de plus-value, qui gêne certains mécanismes d'application du pacte Dutreil.

Parallèlement à l'augmentation des taux et à l'amélioration de la durée des conditions, il faudrait peut-être créer un dispositif bis pour que deux voies soient possibles en fonction des choix du redevable.

Par ailleurs, le régime du paiement différé fractionné peut permettre d'étaler le paiement des droits de succession. Étant donné qu'il est très ancien et quelque peu archaïque, il faudrait probablement améliorer son champ d'application.

S'agissant de l'impôt sur le capital qui pèse sur les héritiers qui détiennent le capital, la suppression de l'ISF a arrangé les choses. De plus, moins de contraintes techniques pèsent sur les organisations et les fonctions dans l'entreprise.

En revanche, l'IFI continue à poser des difficultés dans les groupes de sociétés. L'application des exonérations ne fonctionne pas correctement lorsqu'on détient de l'immobilier et un groupe de plusieurs sociétés.

Deux autres dispositifs sont gênés par la fiscalité : le fonds de pérennité et la fiducie, qui est interdite par les dispositifs fiscaux. Ces dispositifs pourraient permettre d'accompagner la détention des entreprises par un groupe familial sur le long terme.

Enfin, lorsqu'il est question d'augmenter la fiscalité, en réalité ce ne sont pas les héritiers qui vont la supporter, mais l'entreprise, car ce sont les dividendes qui vont permettre aux héritiers de payer la fiscalité.

En ce qui concerne la transmission à titre onéreux, les ventes posent moins de difficulté. Le paiement forfaitaire unique sur les plus-values est assez simple et efficace pour les vendeurs.

Par ailleurs, il arrive assez souvent, lorsqu'une entreprise ne trouve pas de solution familiale, qu'elle soit vendue à un fonds d'investissement qui a besoin de s'associer avec des cadres dirigeants. En général, un accord nommé management package est conclu à ce moment-là, dans lequel les personnes sont associées au développement de l'entreprise.

Le Conseil d'État, par des arrêts du 13 juillet 2021, a changé la grille de lecture fiscale du sujet, et a créé une insécurité juridique sur tous les schémas en cours. Il faudra déterminer de quelle manière les dirigeants seront traités lorsqu'ils vendront leurs titres : plus-values ou traitements et salaires - les taux étant très différents.

De plus, la solution du Conseil d'État est très technique, et elle oblige à effectuer un découpage dans le temps, tranche par tranche, pour calculer des impôts et des dates d'exigibilité différentes. Il est probablement nécessaire que le législateur intervienne pour fixer un cadre juridique sécurisé et lisible pour l'avenir.

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