Intervention de Bernard Fraïoli

Délégation aux entreprises — Réunion du 27 janvier 2022 à 9h06
Table ronde sur la transmission d'entreprise « les enjeux spécifiques de la transmission perçus par les experts » avec m. jean-françois desbuquois avocat associé du cabinet fidal membre du cercle des fiscalistes et de l'institut des avocats conseils fiscaux iacf m. bernard fraioli président de l'association des cédants et repreneurs d'affaires cra et m. alain tourdjman directeur des études économiques et de la prospective en charge de bpce l'observatoire du groupe banque populaire-caisse d'épargne bpce

Bernard Fraïoli, président de l'Association des Cédants et Repreneurs d'Affaires (CRA) :

Lorsqu'on parle de transmission, on se réfère à des agrégats statistiques, qui ne correspondent pas exactement à l'objet dont nous nous occupons au CRA.

Je vais vous parler des entreprises TPE-PME du secteur industriel des services et du second oeuvre du bâtiment, qui comptent entre cinq et 100 salariés. Ces entreprises sont des employeurs très significatifs dans les territoires. Pour autant, on en parle peu lorsqu'elles ne sont pas reprises.

Les repreneurs ont en moyenne entre 45 et 48 ans. Ils sont en général diplômés du supérieur et ont mené une belle carrière. Ceux-ci décident, parfois contraints et de plus en plus par vocation, de reprendre une affaire. Ils injectent entre 300 000 euros et 1 million d'euros d'apport, et prennent donc des risques personnels importants.

Le marché est estimé à 80 000 entreprises, pour 1 million d'emplois environ. Entre 7 000 et 9 000 transmissions ont lieu chaque année. La transmission est d'une façon générale un « angle mort » : on parle énormément de créations, mais peu de transmissions.

Il s'agit également d'un « angle mort » sur le plan politique. Notre président est porteur de la Start up nation, mais la transmission des entreprises constitue un « angle mort » total. Je pense qu'il faut valoriser ces transmissions, que je qualifierais de « quasi-familiales ».

Ce marché souffre de deux problèmes structurels, le premier étant le déséquilibre entre l'offre et la demande. Une étude a été effectuée sur 720 transmissions. Parmi celles-ci, on compte 2,5 repreneurs pour une entreprise.

Toutefois, ce chiffre correspond à un repreneur pour quatre entreprises en Ile-de-France, et à un repreneur pour une entreprise dans la région Centre. Nous faisons face à un vrai problème de mobilité de la part des repreneurs, qui a pour conséquence que certaines entreprises ne trouvent pas preneurs.

Hors des métropoles ou de leur zone d'influence, les gens se déplacent relativement peu. 54 % des repreneurs restent dans leur département. Dans la région Bretagne, 94 % des Bretons restent dans la région.

Les enjeux sont importants, car ces entreprises peuvent employer 50 personnes et réaliser 6 ou 7 millions d'euros de chiffre d'affaires.

Le deuxième problème structurel que nous constatons est celui de l'absence d'anticipation de la part des cédants. Certaines entreprises sont cédées trop tardivement, ou ne sont pas cédées du tout, faute de préparation. Nous essayons de lutter contre ce manque d'anticipation.

Le CRA a ainsi lancé un programme à destination des futurs cédants afin qu'ils soient informés par un expert-comptable et un juriste sur la feuille de route qu'ils doivent mettre en oeuvre.

Néanmoins, les futurs cédants ne se déclarent pas de manière spontanée. Pour les rechercher, nous utilisons le fichier des entreprises « Diane » du CRA. En fonction de certains paramètres (situation nette de l'entreprise, etc.), nous identifions les entreprises qui pourraient être vendes.

Toutefois, étant donné qu'il est possible de ne pas publier les comptes des entreprises en-dessous d'un certain chiffre d'affaires, notre fichier a diminué de moitié (500 000, contre un million auparavant).

Si cette mesure n'est pas remise en cause, nous souhaiterions au moins que soit rendue obligatoire une publication allégée, qui nous permettrait de travailler sur ces fichiers.

Je pense que les organismes patronaux ont un rôle à jouer en matière d'anticipation. J'ai tenté de convaincre ceux que j'ai rencontrés d'en parler davantage avec leurs adhérents, mais je n'ai malheureusement pas obtenu satisfaction.

Je souhaite également aborder les aspects juridiques et fiscaux des entreprises que nous connaissons. Les outils dont nous disposons aujourd'hui se sont fortement améliorés, même s'ils restent complexes pour les petites entreprises.

Voici quelques suggestions que nous souhaiterions faire en la matière :

- harmoniser le statut social du dirigeant et la fiscalité entre la SARL et la SAS ;

- prévoir un avantage fiscal pour le repreneur, en lien avec le montant de son apport personnel ;

- élargir l'accès au dispositif ACRE ;

- supprimer l'obligation d'information des salariés du projet de cession (articles 18 et 19 de la loi Hamon) ;

- créer un chèque conseil pour les TPE ;

- laisser un délai de franchise de trois ans au cédant d'entreprise avant de réintégrer les actifs immobiliers professionnels dans le cadre de l'IFI ;

- exonérer de plus-value les sommes laissées dans l'entreprise par un cédant pendant 36 mois.

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