Je vous propose d'évoquer deux points.
Le premier est relatif au constat que nous dressons à propos de la base de données. Nous observons une baisse de 19 % des opérations de cession entre 2010 et 2019, ce qui montre que l'idée selon laquelle le vieillissement des dirigeants conditionne le nombre de cessions est fausse. En revanche, il existe un lien de causalité entre la reprise et le rajeunissement des dirigeants au sein d'une même zone territoriale.
De plus, les situations où la cession dépend avant tout de la taille de l'entreprise occupent une place de plus en plus importante. En effet, la baisse des cessions a principalement touché les plus petites entreprises au cours des 10 dernières années.
L'année 2020 a marqué de son empreinte les cessions transmissions, puisque celles-ci ont diminué de 16 %. Cette baisse, qui est en partie conjoncturelle, est toutefois révélatrice. Au sein de ces cessions, la part des opérations nommée « fusion cession » a augmenté de manière très significative.
Dans cette situation, nous avons ouvert la porte à un vieillissement généralisé des dirigeants, en particulier de PME.
Cela m'amène à mon deuxième point, qui est une alerte. En 2005, 15 % des dirigeants de PME avaient plus de 60 ans, contre 25 % aujourd'hui ; 5,5 % des dirigeants avaient 66 ans et plus, contre plus de 11 % aujourd'hui.
Une proportion significative de PME se trouvent donc en danger de ne jamais être reprises. Nous le voyons en particulier par le rapprochement entre les intentions de cessions et les réalisations de cessions.
La proportion de dirigeants de PME ayant entre 30 et 55 ans qui souhaitent céder est à peu près équivalente à celle de ceux qui parviennent à céder. Au-delà de 65 ans, il existe un rapport d'un à deux entre ceux qui souhaitent céder et ceux qui parviennent à le faire.
Le sujet économique relatif à la cession transmission ne concerne donc pas uniquement la cession transmission globale, mais la cession transmission en fin d'activité professionnelle.
L'écart entre le besoin et la réalisation est considérable. De plus, il a des effets délétères sur les entreprises au niveau microéconomique et sur l'ensemble du tissu productif de façon macroéconomique.
Au niveau microéconomique, un dirigeant qui souhaite céder a tendance à se désendetter et à désinvestir. Si cette période dure un an ou deux, les conséquences pour l'entreprise ne sont pas trop graves.
Toutefois, compte tenu de la grande difficulté des dirigeants âgés à céder, cette période peut parfois durer jusqu'à 10 ans. Or pendant cette longue période où un chef d'entreprise n'investit pas et ne développe pas de nouveaux projets, l'entreprise perd de la valeur et devient de moins en moins vendable. La probabilité de la céder est donc amenée à diminuer.
Au niveau macroéconomique, dans la mesure où 25 % des dirigeants de PME ont plus de 60 ans, cette pratique se diffuse à une part de plus en plus importante du tissu de PME en France, ce qui a tendance à peser sur le taux d'investissement global des PME.
Étant donné que très peu de travaux exhaustifs ont été effectués sur la transmission familiale, la plupart des critiques qui portent sur ces transmissions sont faites sur la base d'éléments pointillistes.
Les travaux que nous avons menés entre 1995 et 1997 ont mis en perspective l'ensemble des transmissions familiales et l'ensemble des autres transmissions. Nous avons mis en évidence un taux de survie des transmissions familiales de 20 % supplémentaires par rapport aux autres transmissions.
En France, la transmission familiale n'est pas automatique. Elle est liée à la compétence et à l'appétence ; c'est pour cette raison qu'elle n'est pas aussi fragile que dans d'autres pays, où elle est automatique. Il s'agit donc d'un atout, d'autant plus important que cette transmission joue un rôle majeur dans certains territoires.
Notre pays est un peu trop centré sur l'idée de la création. Cela conduit à une fragmentation généralisée du tissu productif et va à l'encontre de la croissance interne des entreprises. Parallèlement, le nombre de repreneurs d'entreprises existantes et rentables s'avère insuffisant.
Il existe un écart important entre le nombre d'entreprises qui devraient être reprises et le nombre de repreneurs, ces derniers s'intéressant aux mêmes entreprises.