Intervention de Jean-françois Desbuquois

Délégation aux entreprises — Réunion du 27 janvier 2022 à 9h06
Table ronde sur la transmission d'entreprise « les enjeux spécifiques de la transmission perçus par les experts » avec m. jean-françois desbuquois avocat associé du cabinet fidal membre du cercle des fiscalistes et de l'institut des avocats conseils fiscaux iacf m. bernard fraioli président de l'association des cédants et repreneurs d'affaires cra et m. alain tourdjman directeur des études économiques et de la prospective en charge de bpce l'observatoire du groupe banque populaire-caisse d'épargne bpce

Jean-françois Desbuquois :

Je vais tenter de répondre aux autres questions. Tout d'abord, les rapports récents et moins récents qui ont critiqué le pacte Dutreil émanent souvent des mêmes auteurs.

De plus, les fondements que l'on y trouve sont souvent des statistiques ou des études anciennes, à une époque où le pacte Dutreil n'existait pas.

En outre, le but poursuivi par ces études manque souvent de clarté. Celles-ci soutiennent que la transmission familiale ne serait pas favorable, à l'inverse de la transmission à un tiers ; or les études de M. Tourdjman ont démontré le contraire.

De multiples études internationales ont également mis en avant le fait qu'une entreprise familiale est plutôt plus rentable et plus pérenne dans le temps, étant donné qu'elle a un modèle de long terme et qu'elle consomme moins de capitaux.

Quant à la compétence des héritiers qui serait supposée plus faible, celle-ci n'a jamais été démontrée par personne.

S'agissant du dernier argument concernant les rentrées fiscales attendues par une suppression du pacte Dutreil, le Comité d'analyse économique a réalisé des prospectives très différentes de celles qui figurent dans l'annexe « voies et moyens de la loi de finances », selon lesquelles le coût du pacte Dutreil s'élève à 500 millions d'euros par an.

Les droits de donation en France s'établissent à 17,5 milliards d'euros. L'enjeu est donc très faible. Le fait de remettre en cause les transmissions familiales pour 500 millions d'euros peut ainsi être légitimement questionné.

Si le pacte Dutreil était supprimé, nous ferions face à une situation similaire à celle que nous avons connue entre 1984 et 2000. Le barème des droits de succession était à peu près équivalent à celui d'aujourd'hui ; or il s'agit d'un des barèmes les plus lourds du monde.

En France, l'héritier en ligne direct est taxé à hauteur de 45 % au-delà de 1,8 millions d'euros. Sans le pacte Dutreil, il est donc presque impossible de transmettre une entreprise familiale.

Le sujet des holdings animatrices est un peu technique. Très souvent, le statut d'une société de tête qui détient des groupes de sociétés a des conséquences sur l'application du pacte Dutreil. La qualification de holding animatrice n'est pas d'une clarté absolue.

Nous en avions déjà discuté avec la délégation en 2016-2017. Vous aviez d'ailleurs soutenu un projet de clarification légale du statut, qui in fine avait été rejeté par l'Assemblée nationale. Depuis, la jurisprudence a fait son oeuvre ; celle-ci a clarifié une partie des problèmes, mais pas tous.

Il reste des enjeux résiduels, notamment dans le cas où la holding détient des participations dans des sociétés industrielles, mais aussi dans d'autres domaines (des immeubles d'exploitation, les marques du groupe, etc.). Dans ce cas, l'administration fiscale se montre très incisive. Si elle déqualifie la holding animatrice, elle donne également lieu à la suppression du pacte Dutreil.

La Cour de Cassation et le Conseil d'État sont désormais d'accord pour acter que la holding animatrice est unique et qu'elle doit s'appliquer pour tous les impôts. Il serait donc possible de lui conférer un statut plus sécurisé pour les redevables.

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