Intervention de Jean-Claude Peyronnet

Réunion du 2 juin 2010 à 14h30
Défenseur des droits — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jean-Claude PeyronnetJean-Claude Peyronnet :

Je conclurai par deux remarques critiques : la première renforce notre scepticisme à l’égard du projet de loi, même réécrit par la commission, et la deuxième, que vous connaissez déjà, nous oriente vers une ferme opposition.

Premièrement, à l’exception notable du Médiateur, les autorités comme la CNDS et la Défenseure des enfants sont de petites structures, la première citée pouvant même être qualifiée de toute petite structure. Cette taille n’a pas nui à leur efficacité ; au contraire, elle leur a donné une grande souplesse de fonctionnement qui a joué pour beaucoup dans la qualité de leur action.

À l’inverse, vous créez une structure lourde, qui risque d’être très administrative, au mauvais sens du terme, entraînant lenteur, manque de lisibilité et coûts excessifs. L’histoire administrative de notre pays nous offre des exemples de ce type fâcheux d’évolution. Cette dérive pourra-t-elle être évitée ? J’en doute. En tout cas, j’invite par anticipation le Parlement à être vigilant et à bien exercer son pouvoir de contrôle administratif et financier.

À ce sujet, j’ajoute que le sort réservé aux délégués du Médiateur, de la Défenseure des enfants ou aux correspondants locaux de la HALDE ne semble pas clair. Les missions sont nouvelles : défense ou médiation, ce n’est pas exactement la même chose. Les délégués seront-ils omniscients ou continueront-ils à être spécialisés ? L’intervention de Mme la ministre a semblé apporter une réponse, mais j’aimerais que ce point soit précisé. J’attire l’attention du Sénat sur le fait que, dans le premier cas, nous nous priverions de cette irremplaçable culture du bénévolat, qui faisait la richesse des anciennes autorités indépendantes, nourrie par une longue expérience professionnelle. Au demeurant, si la professionnalisation des délégués se confirmait, elle serait l’assurance d’un coût supplémentaire.

Deuxièmement, même si vous n’y pouvez rien, monsieur le rapporteur – et vous avez d’une certaine façon répondu par avance –, le texte que vous défendez reste entaché du péché originel de l’article 13, dernier alinéa, de la Constitution.

En l’état, le mode de désignation qui y est prévu ne donne aucune garantie d’objectivité et, comme le Défenseur des droits choisira ses vice-présidents, l’absence de garantie entourant sa nomination s’étendra à ceux-ci. Ce n’est pas le simulacre de la confirmation par deux cinquièmes des membres de chaque commission des assemblées – puisque l’opposition doit réunir trois cinquièmes – qui peut masquer l’absence de démocratie présidant à ces choix.

Monsieur le rapporteur, vous le savez bien, car nous l’avons remarqué ensemble, en Europe, partout ou presque, les nominations importantes sont effectuées par le Parlement à la majorité qualifiée, qui oblige au consensus. Cette obligation n’expose pas à un risque de médiocrité, comme cela a été dit ; au contraire, elle représente un gage d’objectivité et de qualité, l’expérience l’a démontré. Certes, il ne vous appartenait pas de modifier la Constitution. Il demeure que ce mode de désignation est pour nous rédhibitoire : à lui seul, il renforce et justifie notre opposition.

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