Intervention de Jean-René Lecerf

Réunion du 2 juin 2010 à 14h30
Défenseur des droits — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Jean-René LecerfJean-René Lecerf :

Mais le Défenseur reprendra également les compétences de la CNDS, du Défenseur des enfants et de la HALDE.

Il n’est guère contestable que la multiplication, voire la prolifération, des autorités administratives indépendantes pose aujourd’hui problème. Certaines d’entre elles, notamment les autorités de régulation, suscitent des interrogations en termes de démocratie.

En effet, comment le Gouvernement, qui est censé disposer de l’administration, pourrait-il endosser devant le Parlement la responsabilité d’autorités administratives indépendantes sur lesquelles il n’exerce, par hypothèse, aucun pouvoir de contrôle ?

D’autres, comme celles qui veillent à la protection de certains droits et libertés, inquiètent en raison de leur dispersion, dispersion qui ne peut manquer d’induire des effets pervers en termes d’efficacité, d’enchevêtrement des compétences et de coût.

Nous savons bien qu’il en allait ainsi jusqu’à présent pour les autorités dont le texte, modifié par les amendements de notre rapporteur, envisage le regroupement, et cela en dépit de l’unanime bonne volonté des uns et des autres.

Dans ces conditions, il importe de se poser deux questions aussi simples qu’essentielles.

D’une part, ce regroupement se traduira-t-il, même de manière infinitésimale, par une diminution des pouvoirs relevant jusqu’alors du Défenseur des enfants, de la CNDS ou de la HALDE, et donc par une régression en termes de protection des droits et libertés ?

D’autre part, l’institution du Défenseur des droits se limitera-t-elle à une mesure de simplification, au demeurant déjà opportune, ou permettra-t-elle de notables avancées dans tous les domaines relevant de sa compétence ?

Dans le remarquable rapport de notre collègue Patrice Gélard, un tableau répond à la première question bien mieux que ne pourrait le faire une longue argumentation. Ce tableau comparatif des pouvoirs du Défenseur des droits et de ceux des autorités de défense des droits et libertés qu’il remplace nous montre que, sur l’ensemble des pouvoirs et attributions, la solution maximale a été retenue.

Il en va ainsi pour les recommandations, tant en droit qu’en équité, pour la publication d’un rapport spécial, après recommandation et injonction non suivies d’effets, pour la transaction, pour la présentation d’observations devant les juridictions, pour la saisine de l’autorité disciplinaire, pour la demande d’avis au Conseil d’État, pour l’interprétation de dispositions législatives et réglementaires, etc.

Bref, dans tous les cas de figure, les pouvoirs sont portés à leur niveau maximal. Pour permettre au défenseur des droits d’assumer dans les meilleures conditions ses compétences et d’assurer une identification rapide par l’opinion publique de ses différents secteurs d’intervention, la commission des lois a, sur proposition de son rapporteur, largement précisé l’organisation interne de cette nouvelle institution.

Le Défenseur nommera ses adjoints, dont trois seront respectivement chargés de le seconder en matière de déontologie de la sécurité, de défense et de promotion des droits de l’enfant et de lutte contre les discriminations. Leur nomination sera soumise à l’avis des commissions des lois de l'Assemblée nationale et du Sénat.

De même, il sera le président de chacun des trois collèges chargés de l’assister dans ses compétences spécifiques, dont la composition et le mode de désignation s’inspirent des règles actuellement en vigueur.

Ne peut-on, dès lors, interpréter la multiplication des réticences largement exprimées ces dernières semaines comme l’expression de la volonté, somme toute compréhensible, de toute institution à se pérenniser en l’état ?

Comme l’écrivait un ancien candidat à la présidence de la République, plus connu pour ses talents d’écrivain et de poète, Alphonse de Lamartine, « borné dans sa nature, infini dans ses vœux, l’homme est un dieu déchu qui se souvient des cieux ».

Alors peut-être recherche-t-on parfois dans les institutions l’immortalité à laquelle on ne peut prétendre dans notre nature humaine. Cela expliquerait que, de la CNDS au défenseur des enfants, de la HALDE au juge d’instruction, du département à la région ou du pays au schéma de cohérence territoriale, il soit finalement si difficile dans notre pays de toucher à quoi que ce soit !

J’en viens à ma seconde question. Je suis convaincu que l’avènement du Défenseur des droits marquera un saut qualitatif au regard de l’état actuel de notre ordonnancement juridique. Cette évolution tiendra notamment au surcroît d’autorité morale et de prestige dont disposera cette nouvelle autorité constitutionnelle et à sa capacité à imposer ses décisions.

J’éprouve le plus grand respect et la plus grande estime, cher Jean-Claude Peyronnet, pour la qualité du travail de la CNDS. Mais quand, après avoir pris connaissance de ses avis particulièrement pertinents, par exemple sur l’attitude de tel surveillant de prison, le rapporteur pour avis du budget de l’administration pénitentiaire que je suis constate que le même surveillant exerce toujours dans le même établissement avec les mêmes responsabilités, je ne puis m’empêcher de penser que notre appareil juridique a tourné à vide.

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