Intervention de Yvon Collin

Réunion du 2 juin 2010 à 14h30
Défenseur des droits — Discussion d'un projet de loi organique et d'un projet de loi

Photo de Yvon CollinYvon Collin :

Pour en revenir au périmètre d’action du Défenseur des droits, je suis favorable, avec la quasi-totalité des membres de mon groupe, à l’intégration du Défenseur des enfants et de la HALDE au sein du Défenseur des droits. Par nature, les missions de ces deux institutions se rapprochent de celles du Médiateur de la République en ce qu’elles s’analysent d’abord comme une médiation, prise au sens le plus large. C’est par le souci du compromis, la persuasion et le dialogue que l’on recherche le règlement d’un litige, parfois d’ailleurs en statuant d’abord en équité.

Ainsi, les missions fondamentales que sont la promotion des droits de l’enfant et la faculté de proposer des modifications des textes, aujourd’hui attribuées au Défenseur des enfants, trouvent une retranscription acceptable dans les dispositions du projet de loi organique.

Les choses se compliquent en revanche lorsque la surveillance de la bonne application d’une règle de droit entre en jeu. Le texte inclut ainsi, outre le Médiateur, la CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE, sur l’initiative de notre commission. Dont acte ! Mais les justifications de ces choix me paraissent suffisamment hasardeuses pour que l’on doute encore de leur bien-fondé, particulièrement en ce qui concerne la CNDS.

Depuis sa création, en 2000, celle-ci a su parfaitement remplir son office et combler un vide regrettable. Comme le prouve son rapport annuel, la CNDS, met en évidence par ses enquêtes les dysfonctionnements des services de sécurité, mais aussi les anomalies touchant au respect des libertés. Ses recommandations constituent chaque année un rappel salutaire à destination de l’ensemble des forces de sécurité quant au respect de l’état de droit. Elles ont ainsi abordé, au fil des années, la garde à vue, la détention des mineurs, l’usage du Taser, les fouilles corporelles ou encore la détention des étrangers.

Alors, pourquoi avoir choisi de faire disparaître la CNDS au profit d’une institution dont les pouvoirs en matière de déontologie de la sécurité constituent un « recul démocratique », comme l’énonçait Roger Beauvois, actuel président de la CNDS ?

Les pouvoirs d’enquête dévolus au Défenseur des droits sont inférieurs à ceux de la CNDS, même si la commission des lois a rééquilibré le dispositif. Le collège qui assistera le Défenseur des droits ne jouit pas des garanties d’impartialité et d’indépendance actuellement dévolues à la CNDS ; ne sont même pas imposées des qualifications spécifiques en matière de déontologie de la sécurité, sujet pourtant tout à fait particulier. De même, les incompatibilités prévues sont en retrait par rapport à celles qui s’imposent aujourd’hui aux membres de la CNDS.

Je regrette tous ces reculs, auxquels nous vous proposerons d’ailleurs, mes chers collègues, de remédier par les amendements que nous défendrons.

Je me réjouis en revanche que le projet de loi organique laisse subsister, au terme de multiples débats, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il aurait été regrettable que cette autorité soit supprimée, à l’image du sort réservé à la CNDS, alors qu’elle mène avec un zèle admirable le combat pour mettre fin à la situation désastreuse dans laquelle se trouvent nos prisons.

Je tiens ici à saluer le travail de Jean-Marie Delarue et me félicite qu’il puisse le poursuivre. Son action doit être aussi visible que possible si l’on veut réellement en finir avec des prisons aujourd'hui indignes, qui font honte à notre République.

Madame le garde des sceaux, votre projet de loi organique est affecté plus globalement par des doutes quant à la réelle indépendance du futur Défenseur des droits. Je ne doute pas de votre volonté de contribuer à l’affermissement de notre état de droit, mais les pouvoirs du Défenseur me paraissent bien trop en retrait pour que je puisse me satisfaire du texte.

Je songe plus spécialement aux modalités des visites domiciliaires en matière de déontologie de la sécurité, à l’opposabilité d’exigences de sécurité publique bien trop vagues, ou encore au secret de l’enquête, qui risque de retarder le déroulement du contrôle, notamment en cas de danger pour la santé d’un prévenu.

Je m’interroge également sur les moyens budgétaires dont disposera le Défenseur des droits, question sur laquelle nous évoluons encore dans un certain flou. Aura-t-il à sa disposition les crédits agrégés des AAI qui seront regroupées en son sein, ou passera-t-il lui aussi sous les fourches caudines de la RGPP, au nom d’une mutualisation qui camouflerait une réduction budgétaire à périmètre constant ?

Vous comprendrez, madame le garde des sceaux, qu’il subsiste à mon sens trop de doutes et d’interrogations pour que je puisse approuver ces textes. À cela il convient d’ajouter les réserves exprimées par mon excellent collègue Jacques Mézard concernant le mode de nomination du Défenseur des droits et l’absence d’une réelle possibilité de veto éventuellement opposé par les commissions parlementaires.

En conséquence, en l’état actuel du projet de loi organique et du projet de loi, avec plusieurs de mes collègues du RDSE, nous ferons le choix de nous abstenir, quand d’autres parmi nous inclinent à les approuver. Nous accorderons une attention particulière au sort qui sera réservé à nos amendements. En tout cas, aucun d’entre nous ne votera contre ce qui constitue malgré tout une avancée, même si elle est modérée et se situe en deçà de nos attentes.

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