Ce devrait l’être, en tout cas selon ma conception !
Le principe qui sous-tend la réforme proposée, c'est-à-dire la fusion-absorption, est également contestable. Certes, les conventions internationales signées ou ratifiées par la France n’imposent pas que chacune des missions que le Gouvernement souhaite confier au Défenseur des droits soit attribuée à une autorité spécifique, mais les autorités que le Gouvernement entend supprimer ont déjà trouvé leur place dans le paysage social français et européen, voire international.
En outre, les instances internationales des droits de l’homme ont salué l’action de la CNDS et du Défenseur des enfants, et elles recommandent le maintien de ces autorités, le renforcement de leur rôle ainsi que l’augmentation de leur budget.
La Commission nationale consultative des droits de l’homme, grande autorité morale, a exprimé un avis très critique sur ce projet de loi organique. Pour elle, « la disparition d’autorités administratives indépendantes spécialisées au profit du Défenseur des droits constituerait une régression pour la protection des droits de l’homme en France ».
Fin juriste, notre excellent rapporteur a considérablement amendé la copie du Gouvernement. Certaines dispositions qui lui paraissaient critiquables, voire irrecevables, ont été modifiées ou supprimées. Il a cherché à aligner le plus possible les pouvoirs du Défenseur des droits sur ceux des trois autorités fusionnées-absorbées.
Il a voulu également combler certaines lacunes. Ainsi, à l’article 4 du projet de loi organique, il a complété le texte du Gouvernement, qui ne faisait pas référence à la défense et à la promotion des droits de l’enfant consacrés par la loi.
Notre collègue Gélard a aussi amélioré les modalités de saisine d’office et les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits peut être saisi par d’autres personnes que la personne lésée.
Autre amélioration notable : le Défenseur pourrait être saisi ou se saisir des différends susceptibles de s’élever entre les personnes publiques ou des organismes chargés d’une mission de service public et leurs agents.
L’élargissement de la composition des collèges du Défenseur des droits va dans le sens du respect de la pluridisciplinarité, qui était un des points forts de la CNDS et du Défenseur des enfants.
Je constate enfin que le rapporteur a supprimé la notion de « circonstances exceptionnelles » de la liste des motifs autorisant les personnes publiques à s’opposer à une visite du Défenseur, renforçant par là même ses droits.
Vous le voyez, nous ne sommes pas uniquement dans une posture critique : nous reconnaissons les avancées significatives que le rapporteur a pu faire faire au texte.
Pour autant, le projet de loi organique continue, selon nous, de soulever un certain nombre de problèmes importants. Il est même devenu d’autant moins acceptable, pour les raisons de fond que vous connaissez, que le rapporteur propose de faire absorber la HALDE par le Défenseur des droits, en créant un collège compétent en ce domaine.
En fait, nous avons le sentiment que la HALDE, la CNDS et le Défenseur des enfants font les frais de l’irritation du Président de la République et d’un certain nombre d’autres personnes. Cette réforme est un prétexte pour supprimer des autorités dont il n’est nullement prouvé qu’elles aient démérité, bien au contraire, comme l’a d'ailleurs souligné le rapporteur dans son intervention.
L’augmentation du nombre de requêtes traitées par chacune de ces autorités prouve leur utilité. D’après un sondage réalisé l’an dernier, 83 % des personnes connaissent par ailleurs l’existence de la HALDE.
L’absorption de la HALDE par le Défenseur n’est pas une surprise, car la presse s’est récemment fait l’écho de rumeurs persistantes allant en ce sens. Depuis sa création en 2004, elle a fait l’objet de nombreuses attaques de la part du pouvoir exécutif et de certains parlementaires… de la majorité. Chaque année, des députés UMP présentent des amendements visant à réduire les crédits de cette autorité qui dérange. Il en va de même pour la CNDS.
D’aucuns affirment que le Président de la République s’agacerait depuis plusieurs mois de l’influence grandissante de la HALDE, qui se serait prétendument arrogée des pouvoirs comparables à ceux du législateur et du juge constitutionnel. En particulier, le chef de l’État n’aurait pas apprécié que cette autorité s’oppose à certaines dispositions concernant le RSA et critique le projet de mise en œuvre des tests ADN pour les candidats à l’immigration, lequel a suscité un débat dont chacun se souvient.
Contrairement aux rumeurs qui circulaient, pour faire disparaître la HALDE, notre rapporteur ne propose même pas d’attendre la fin – prévue le 17 avril 2015 – du mandat de sa nouvelle présidente, Mme Jeannette Bougrab. J’avais pourtant cru comprendre que chaque autorité serait absorbée à l’expiration des fonctions de son président…
Au demeurant, monsieur le rapporteur, vous n’avez pas non plus pris en considération l’avis de Mme Bougrab. Bien sûr, vous êtes libre d’agir ainsi, mais avouez que c’est lui faire une curieuse manière que de la remercier deux mois à peine après qu’elle a été nommée !
Je crains également pour la survie du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, même si, pour l’instant, celui-ci est préservé, au motif que son travail, tout à fait spécifique, permettra de faire évoluer sensiblement la situation de nos prisons et autres lieux de privation de liberté. Pour ma part, je pense qu’il fera beaucoup pour la défense des libertés, mais je ne crois pas qu’il pourra faire grand-chose pour l’amélioration de l’état des prisons. Nous savons tous – ce n’est pas la peine de diligenter de nouveaux rapports pour nous en assurer : des pièces entières en sont déjà remplies ! – qu’il ne permettra pas de régler le problème.