Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour commencer, permettez-moi de m’adresser à notre rapporteur, M. Gélard, qui m’a interpellée tout à l'heure, afin de lui indiquer que, étant démocrate, je me conformerai à la loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, votée le 21 juillet 2008, sans ma voix il est vrai.
Je me félicite d'ailleurs que cette réforme ait été utile sur un point au moins : en constitutionnalisant le Défenseur des droits. Il est vrai que la France, à l’instar de ses voisins européens, se devait de disposer d’une autorité constitutionnelle en matière de protection des droits fondamentaux.
Toutefois, nous n’avons jamais envisagé que l’autorité constitutionnelle ainsi créée puisse se transformer en une holding administrative des droits, dont les contours répondent peut-être plus à une volonté de rationalisation budgétaire qu’au souci d’assurer une protection effective des droits de nos concitoyens.
En effet, le projet de loi organique substitue le Défenseur des droits à plusieurs autorités administratives indépendantes, au premier rang desquelles se trouve le Médiateur de la République. Sur ce point précis, nous sommes parfaitement en phase avec le texte. Néanmoins, selon nous, cette démarche d’absorption aurait dû s’arrêter là.
En effet, la constitutionnalisation d’une autorité chargée de défendre les citoyens répondait parfaitement au souci du constituant d’assurer une protection renforcée des libertés et des droits fondamentaux.
Je comprendrais et j’accepterais tout à fait que nous élevions le Médiateur de la République à ce rang constitutionnel. Malheureusement, madame le garde des sceaux, vous allez beaucoup plus loin à travers ce projet de loi organique puisque vous étendez cette démarche à diverses autorités indépendantes aux compétences spécifiques, chargées de la protection des droits et des libertés dans des domaines tels que la sécurité et la déontologie, pour la CNDS, du droit des enfants, pour le Défenseur des enfants, ou encore, désormais, de la lutte contre les discriminations, pour la HALDE.
Monsieur le rapporteur, si nous pouvons vous donner acte d’avoir largement enrichi ce texte, par exemple à travers la saisine directe du Défenseur des droits, la mention explicite de l’indépendance de ce dernier, le caractère pluridisciplinaire des collèges, l’intégration d’une mission de promotion des droits de l’enfant et la motivation des refus de se saisir d’une situation, en revanche, nous regrettons que vous ayez parachevé le processus de fusion en intégrant la HALDE dans le périmètre de compétence du Défenseur des droits. Il s'agit là d’un point essentiel de désaccord entre la majorité et l’opposition : nous refusons en effet toute opération de dilution des autorités administratives indépendantes existantes.
Or le projet de loi organique que nous examinons aujourd’hui prévoit en réalité une véritable braderie des droits fondamentaux : quatre autorités administratives indépendantes pour le prix d’une !
Pour couronner le tout, on ne garantit pas la poursuite des contrats de droit public des agents non titulaires puisque seuls les magistrats et les fonctionnaires en détachement ou mis à disposition seront concernés par le principe de la continuité.
Il s'agit là, selon nous, d’une grossière erreur, qui ne manquera pas d’entraîner des conséquences néfastes en ce qui concerne l’effectivité de la protection des droits fondamentaux de nos citoyens. La grosse machine institutionnelle qui va naître de ce texte nous inquiète, et cela pour plusieurs raisons.
La première concerne l’indépendance de cette autorité, ainsi que celle des collèges qui lui seront adjoints. La réforme constitutionnelle de 2008 a gravé dans le marbre un principe qui, en lui-même, était contestable, celui de la nomination du Défenseur des droits par le Président de la République, selon la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution.