Intervention de Laurence Harribey

Commission des affaires européennes — Réunion du 5 octobre 2022 à 13h35
Questions sociales travail santé — Travailleurs de plateformes - examen du rapport de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey, rapporteure :

En effet, parmi les acteurs concernés, les plateformes, et notamment celles de livraison et de VTC - qui, au vu de leur fonctionnement, sont les plus concernées par la problématique du statut et les demandes en requalification- sont logiquement les parties prenantes les plus critiques vis-à-vis de ce texte. Toutefois, toutes les plateformes n'ont pas exactement le même discours, puisque certaines d'entre elles, comme Just Eat, que nous avons rencontré, ont misé, pour partie, sur la salarisation de leurs travailleurs. Pour autant, la plateforme continue à recourir à des travailleurs indépendants via notamment la plateforme Stuart déjà évoquée. Dans les faits, cette problématique du statut d'emploi n'est pas si évidente.

Côté représentants des travailleurs, des divergences existent également sur cette directive, et sur la présomption de salariat. L'Association des VTC de France et la Fédération nationale des auto-entrepreneurs (FNAE), qui sont arrivées en tête des dernières et premières élections professionnelles et que nous avons rencontrées, ont fait part de leurs inquiétudes à cet égard et se sont surtout exprimées en faveur d'une amélioration des droits des indépendants. Ce n'est pas la position de toutes les associations représentatives et notamment des syndicats traditionnels, qui défendent pour beaucoup d'entre elles la juste qualification et la présomption de salariat du travailleur comme le fait par exemple la Conférence européenne des syndicats.

Il est intéressant de noter que, d'après les sondages disponibles, notamment issus des plateformes, la majorité des chauffeurs VTC ne souhaitent pas devenir salariés. Concernant les livreurs, il est plus difficile de généraliser leurs aspirations, eu égard à la diversité des profils, mais il semblerait qu'une demande de salariat existe. Au-delà de la stricte question du statut, une chose est sûre : ces travailleurs souhaitent tous une amélioration de leurs conditions de travail.

Outre les réactions des principales parties prenantes de ce texte, la position des États membres sur le texte est intéressante, car nous sommes sur des lignes de fractures qui ne sont pas tout à fait habituelles en matière sociale. En effet, certains États comme les Pays-Bas, d'habitude plutôt réfractaires aux textes sociaux, se sont montrés favorables au mécanisme de présomption légale. A contrario, la France, pourtant fer de lance de l'Europe sociale, s'était montrée au départ très réticente à l'égard de la présomption de salariat. Sa position a toutefois évolué depuis peu. Se sentant certainement isolée parmi les autres États membres, la France a fait volte-face et soutient désormais le mécanisme de présomption de salariat proposé par la Commission. Nous y reviendrons. Une grande majorité des États semble ainsi favorable au texte, y compris à la présomption de salariat. Parmi ceux qui restent réfractaires, on trouve certains pays de l'Est qui semblent craindre pour leur avantage comparatif en matière sociale, ou certains pays scandinaves comme la Suède qui revendiquent leur modèle de négociation collective. .

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