Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 5 octobre 2022 à 13h35
Questions sociales travail santé — Travailleurs de plateformes - examen du rapport de la proposition de résolution européenne et de l'avis politique

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur :

En parallèle des négociations au sein du Conseil, la rapporteure italienne socialiste, Mme Gualmini, a présenté son rapport sur le texte en commission de l'emploi et des affaires sociales du Parlement européen. Ce rapport - encore « plus ambitieux » si l'on peut dire que la proposition de la Commission européenne - a apporté des modifications importantes au texte sur la question des algorithmes, mais surtout sur celle du statut : la liste des 5 critères a été élargie à 11 et a été transférée d'un article vers un considérant, rendant ainsi beaucoup plus large le champ des situations susceptibles d'être requalifiées en salariat. Cette position a suscité de vives inquiétudes chez plusieurs eurodéputés, notamment du Parti populaire européen (PPE) et de Renew. Des négociations sont actuellement en cours : la rapporteure socialiste semble prête à faire des concessions, mais toutes les conditions ne semblent pour le moment pas réunies pour aboutir à un texte de compromis. Le vote sur les amendements en commission devrait avoir lieu fin octobre, pour un vote en plénière avant la fin de l'année 2022.

En l'état de la proposition de texte et des amendements de compromis, que nous avons pu consulter, le texte du Parlement nous semble effectivement « aller trop loin ». Le texte de la Commission, modifié par les présidences française puis tchèque, nous semble être plus raisonnable. Nous allons vous en expliquer les raisons.

Bien qu'imparfait, le cadre juridique que la Commission propose nous semble effectivement nécessaire et essentiel pour réguler le développement des plateformes et encadrer les conditions de travail de leurs travailleurs. En effet, les dérives constatées, la multiplication et la diversité des jurisprudences et des législations sur ce sujet qui concerne tous les pays de l'Union européenne, nous paraissent justifier une action au niveau européen.

Selon nous, il ne s'agit pas, avec ce texte, de critiquer le statut d'indépendant mais son détournement par les plateformes. Ce texte et les critères qu'il établit - certainement perfectibles, comme ma collègue Laurence Harribey vous l'indiquera - devraient conduire les plateformes à s'adapter et à supprimer les éléments de subordination dans leur relation avec les travailleurs. Cette directive est essentielle en ce qu'elle devrait inciter les plateformes à des pratiques plus vertueuses. Le but est que les travailleurs, s'ils sont indépendants de par leur statut le soient réellement dans les faits.

Cette directive peut donc constituer un moyen de revoir le rapport de force entre travailleurs et plateformes. Le renversement de la charge de la preuve est à cet égard très important ; de même que les dispositions visant à rendre les algorithmes plus transparents et accessibles.

Il est à noter qu'une partie des travailleurs, notamment les plus précaires, devraient voir leur revenus augmenter grâce au rééquilibrage opéré par la directive.

Par ailleurs, cette directive vise un objectif légitime et essentiel : créer des conditions de concurrence équitables entre les plateformes et les entreprises traditionnelles qui emploient des travailleurs salariés. La Commission européenne estime, sous toutes réserves, que les États membres percevront entre 1,6 et 4 milliards d'euros de recettes annuelles supplémentaires (cotisation sociales et impôts), dont 328 à 780 millions pour la France.

Nous soutenons donc le principe de cette directive. Mais nous voyons aussi certains axes d'amélioration possibles.

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