L’essentiel a été dit au cours de la discussion générale et sera à nouveau décliné lorsque seront examinés les amendements tendant à disjoindre telle ou telle compétence des attributions du Défenseur des droits.
Pourquoi tenons-nous tant à préserver les autorités existantes ?
La présente réforme est bâtie sur des fondements qui ne sont pas sérieux. On veut nous faire croire que la protection des droits des citoyens n’est pas suffisamment assurée au motif que ces derniers sont confrontés à une multitude d’autorités administratives indépendantes aux attributions voisines ; d’où l’idée de réunir, au sein d’une même autorité, les missions et les attributions dévolues jusqu’à présent à différentes autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits des personnes.
Or les dysfonctionnements imputés à l’administration tiennent peut-être moins à la démultiplication des autorités de régulation qu’à l’administration elle-même. Cette analyse erronée explique peut-être l’incohérence de la réforme.
Lors de la révision constitutionnelle de 2008, la garde des sceaux avait peine à indiquer avec précision quel serait le périmètre des compétences du futur Défenseur des droits. Ce n’est pas faute de l’avoir interrogée !
Aujourd’hui, on inclut dans cette autorité la CNDS, le Défenseur des enfants et la HALDE. Mais pourquoi s’arrêter à ces seules instances ? En matière de libertés publiques, le spectre est beaucoup plus large : on pourrait y inclure aussi la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, la commission d’accès aux documents administratifs, la CADA, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, la CNCDH, le Comité consultatif national d’éthique, la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, la CNCIS, et la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN !
Rien ne l’interdit, et cela grâce au Sénat, qui, en 2008, a laissé au législateur organique le soin de définir la liste des instances pouvant relever du Défenseur des droits. Ce faisant, il a ajouté à la confusion, à moins qu’il n’ait fait preuve d’anticipation, ayant déjà en tête la possibilité de fusionner toutes les instances intervenant en matière de libertés publiques et de protection des droits fondamentaux.
En supprimant ces alinéas, nous voulons dénoncer également la méthode employée : le Gouvernement n’a même pas pris la peine d’informer la Défenseure des enfants et le président de la CNDS de la disparition de leur poste. Quant à la présidente de la HALDE, sa désignation vient à peine d’être avalisée par les commissions compétentes des deux assemblées...
L’incohérence de ce texte apparaît également dans la volonté de mêler, au sein d’une même instance, des fonctions qui relèvent de logiques différentes : d’un côté, la médiation, qui relève des fonctions traditionnelles du Médiateur de la République ; de l’autre, les fonctions de contrôle, dévolues à la CNDS, au Défenseur des enfants et à la HALDE. Cette contradiction est même soulevée par les auteurs de l’étude d’impact des projets de loi, qui jugent contre-productive une telle configuration.
Cette réforme vaut condamnation implicite de trois autorités administratives indépendantes, dont il n’est pas prouvé qu’elles aient démérité. Nous pouvons même souligner la qualité de leurs travaux. Du reste, elles sont de plus en plus sollicitées. Il serait donc plus utile de les préserver et de les renforcer, en leur accordant des moyens humains et financiers supplémentaires.