Intervention de Agnès Canayer

Réunion du 19 octobre 2022 à 15h00
Droit fondamental à l'ivg et à la contraception — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Photo de Agnès CanayerAgnès Canayer :

Contrairement à ces derniers, la République française est une et indivisible. Autrement dit, les lois Veil et Neuwirth, qui ne sont pas remises en cause à ce jour, s’appliquent de manière identique sur tout le territoire.

La question centrale qui se pose dans notre pays reste celle de l’effectivité du droit à l’IVG et à la contraception. Seules des mesures concrètes, comme la lutte contre les déserts médicaux, notamment en milieu rural, la valorisation des actes médicaux des personnels soignants pratiquant l’IVG et l’augmentation des moyens des plannings familiaux, permettront le plein accès à ce droit. Ces mesures relèvent du domaine réglementaire.

L’inscription dans la Constitution du droit à l’IVG, alors qu’il fait déjà partie de notre patrimoine juridique, n’est donc pas la réponse adaptée pour en renforcer la garantie.

En effet, il fait déjà l’objet d’une protection constitutionnelle solide et durable. Solide, car l’IVG figure dans notre droit depuis 1975. Le Conseil constitutionnel l’a toujours jugé conforme à la Constitution. Par quatre fois, il s’est prononcé en sa faveur en 1975, en 2001, en 2014 et en 2016.

Le droit à l’IVG est désormais une composante de la liberté de la femme, découlant de l’article II de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, qui se concilie avec le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre toute forme de dégradation.

Plus que solide, cette protection est durable, comme en témoigne la jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, qui a toujours considéré que, même si le législateur dispose de larges marges de manœuvre pour définir les conditions d’exercice d’un droit ou d’une liberté, il ne peut remettre en cause son effectivité. C’est le fameux « effet artichaut » que nous devons au doyen Favoreu : on ne peut pas toucher au cœur des droits et des libertés reconnus.

D’ailleurs, en 2018, Agnès Buzyn et Nicole Belloubet alors ministres, avaient affirmé devant le Parlement l’inutilité d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution en raison de l’extrême solidité de sa protection constitutionnelle.

Quatre années plus tard, la proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons comporte toujours des risques largement supérieurs à la seule portée symbolique recherchée par les auteurs.

L’inscription dans la Constitution du droit à l’IVG et à la contraception tend à dénaturer l’esprit du texte fondamental et à ouvrir une boîte de Pandore. En effet, la Constitution voulue par le général de Gaulle est avant tout un texte qui régit le fonctionnement des institutions. En faire un catalogue des droits risque de porter atteinte au rôle protecteur de la norme suprême et de minorer la portée de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, gardien des droits et des libertés.

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