En 2008, Simone Veil, présidente du comité de réflexion sur le préambule de la Constitution et la philosophie des droits de l’homme, recommandait de ne pas modifier ce préambule et de ne pas inscrire dans la Constitution des droits et des libertés liés à la bioéthique, notamment ceux portant sur l’IVG. Elle préconisait clairement le refus « d’inscrire des dispositions de portée purement symbolique ».
Seules quatre raisons justifient que l’on modifie la Constitution. On peut le faire pour introduire un droit nouveau, pour déroger à un principe que la Constitution impose – ce fut le cas en 1999 et en 2008 pour autoriser la parité –, pour ratifier un engagement international – l’inscription dans la Constitution de la peine de mort en 2007 était nécessaire pour entériner le Pacte international relatif aux droits civils et politiques –, ou bien pour revenir sur une interprétation jurisprudentielle du Conseil constitutionnel, comme en 1993 au sujet du droit d’asile.
Or l’objet de la proposition de loi soumise à notre examen ne peut se rattacher à aucune de ces raisons.
De plus, force est de constater qu’il n’existe aucun consensus sur la manière de constitutionnaliser le droit à l’IVG et à la contraception. Six propositions de loi constitutionnelle ont été déposées à l’Assemblée nationale et au Sénat, en réaction à l’actualité américaine. Chacune propose une version différente.
L’inscription par défaut de ce droit au titre VIII de la Constitution, comme la prévoient plusieurs de ces textes, dont celui de la sénatrice Vogel, n’est pas satisfaisante. En effet, le faire figurer au sein d’un titre consacré à l’autorité judiciaire, juste après l’article consacré à l’abolition de la peine de mort, a de quoi surprendre et favoriser une possible interférence du juge dans le droit des femmes à avorter, ce qui n’a pas lieu d’être.
Les propositions de rattachement à l’article 1er ou à l’article 34 de la Constitution, relatif aux compétences du législateur, ne font pas plus consensus auprès des constitutionnalistes.
De plus, la formulation soumise à notre examen soulève des difficultés importantes. Elle laisse entendre que l’accès à ce droit serait inconditionnel. Or le législateur doit pouvoir en fixer les conditions comme pour toutes les libertés publiques.
Enfin, une procédure de révision constitutionnelle sur l’initiative des parlementaires impose le recours au référendum conformément à l’article 89 de la Constitution. Or il existe un risque réel que cette initiative se retourne contre le droit qu’elle est censée protéger, point sur lequel nous ont alertés toutes les personnes que nous avons entendues en audition, y compris des auteurs du texte. Recourir au référendum placerait au cœur d’une actualité bouillonnante un sujet qui n’est pas remis en cause, au risque de favoriser un réveil des opposants à l’IVG. N’oublions pas que l’enfer est pavé de bonnes intentions.
Pour toutes ces raisons, la commission des lois vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi constitutionnelle.