Nous pourrions multiplier les exemples. La liste est très longue. Oui, mesdames, messieurs les sénateurs, nul ne peut nier que nos institutions fonctionnent différemment. Oui, cela est vrai, le Conseil constitutionnel français n’est pas la Cour suprême américaine. Oui, bien sûr, les juges constitutionnels français, passés et actuels, ont une conscience accrue de leur rôle et jugent régulièrement qu’il n’appartient pas au Conseil constitutionnel de substituer son appréciation à celle du législateur. Tels sont l’usage républicain et l’esprit de nos institutions.
Oui, il est vrai encore que le droit à l’IVG a été conforté au fil des ans, depuis qu’il a été consacré pour la première fois dans notre droit par la loi Veil du 17 janvier 1975. Je pense à la dernière loi, en date du 2 mars 2022, qui a allongé le délai légal pour recourir à l’IVG, en le portant de douze à quatorze semaines. Je pense aussi aux lois précédentes, comme la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, qui a supprimé le critère de la situation de détresse.
Pour autant, je persiste et je signe : accompagner les initiatives parlementaires pour graver dans le marbre de notre Constitution le droit fondamental à l’IVG me paraît aujourd’hui pertinent, en ces temps troublés où des projets politiques, qui n’ont certes pas cours dans cet hémicycle – ou si peu –, grandissent et rendent possible des reculs drastiques pour les droits des femmes.
Tout d’abord, cette inscription aurait la force du symbole ; ce n’est pas anodin lorsqu’on évoque la loi suprême de notre pays. Car oui, la Constitution est le texte fondateur de notre État de droit, le socle commun des valeurs de notre République et des libertés fondamentales de notre société. Dès lors, quel beau symbole pour la France, pays des droits de l’homme, que celui d’élever au plus haut rang de la hiérarchie de ses normes le droit de la femme à disposer de son propre corps !