Intervention de Isabelle Rome

Réunion du 19 octobre 2022 à 15h00
Droit fondamental à l'ivg et à la contraception — Rejet d'une proposition de loi constitutionnelle

Isabelle Rome :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je remercie le garde des sceaux pour son discours puissant et pour ses mots.

C’est la première proposition de loi qu’il me revient de soutenir aujourd’hui devant vous, comme ministre déléguée auprès de la Première ministre chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Je suis fière qu’il s’agisse d’une proposition de loi visant à inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans notre Constitution ; à entourer d’un rempart ce droit conquis de haute lutte après des années de combats féministes et grâce à l’opiniâtreté et à la force de Simone Veil. Il faut préserver ce droit, le protéger contre les menaces de vent mauvais ou les courants réactionnaires. Ce rempart doit être à la hauteur de ce qui fonde notre République, une, libre, égale, fraternelle.

C’est pourquoi il est nécessaire d’inscrire le droit à l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution du 4 octobre 1958. Vous l’avez rappelé, monsieur le garde des sceaux, il est beaucoup plus difficile de modifier une Constitution que de changer la loi, qu’une autre majorité peut défaire en quelques mois.

Non, madame la rapporteure, malgré tout le respect que j’ai pour vos travaux, nous ne sommes à l’abri de rien. Quelle Américaine aurait imaginé, voilà encore deux ou trois ans, voir s’effondrer la protection de ce droit, soumis désormais aux aléas politiques des différents États membres des États-Unis ?

Aurait-on pensé, il y a moins de deux ans, au sein même de l’Union européenne, que des États reviennent sur le droit à l’IVG, en autorisant les femmes à avorter seulement en cas de viol ou de grave danger, ou en les contraignant à écouter le cœur du fœtus avant de prendre leur décision ?

Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité n’ont, au contraire, cessé de renforcer la législation en matière de droits sexuels et reproductifs : en donnant un accès gratuit à la contraception pour toutes les femmes jusqu’à 25 ans ; en allongeant les délais d’accès à l’IVG de douze à quatorze semaines de grossesse ; en prévoyant le tiers payant intégral de l’IVG, afin, notamment, d’en assurer la confidentialité ; enfin, en soutenant résolument le planning familial, dont les financements seront augmentés pour le lancement de leur tchat visant à lutter contre la désinformation.

Ce combat, François Braun, ministre de la santé et de la prévention, et moi-même, nous le poursuivons en rendant dès l’an prochain la pilule du lendemain gratuite sans ordonnance, pour toutes les femmes.

Ce combat, Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, et moi-même, nous le menons cet après-midi avec la représentation nationale.

Je remercie Mme la sénatrice Mélanie Vogel de nous en donner l’occasion, par le biais de cette proposition de loi constitutionnelle, proposition que soutient également la majorité parlementaire emmenée par Aurore Bergé.

Je remercie, par ailleurs, l’ensemble des parlementaires engagés, particulièrement les membres de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, conduite par Annick Billon, avec laquelle j’échange de manière très régulière et très constructive.

Ce combat, la France le mène également hors de ses frontières. C’est dans ce sillon que le Président de la République a affirmé, le 19 janvier dernier, devant les eurodéputés, vouloir inscrire le droit à l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

C’est dans ce sillon que s’inscrit notre diplomatie féministe, dont le Forum Génération Égalité, organisé à Paris en juillet 2021, a constitué le point culminant.

La contribution de la France à la défense des droits sexuels et reproductifs à l’échelle internationale se hisse à hauteur de 400 millions d’euros sur cinq ans.

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, les droits sexuels et reproductifs conditionnent tous les autres droits des femmes. Détricoter, écorner ou nier ces droits constitue assurément une forme de violence fondée sur le genre. Parce que les droits des femmes sont des droits humains, ils ne sont ni sécables ni hiérarchisables. Ce ne sont pas des droits à moitié, mais des droits fondamentaux, inaliénables, qu’il convient de protéger et de consolider.

Aucune femme, aucune de nos filles ne doit vivre, en France, dans la peur d’être un jour dénoncée, arrêtée, jugée pour avoir avorté, comme ce fut le cas de Marie-Claire en 1973, jugée au tribunal de Bobigny et remarquablement défendue par Gisèle Halimi. Notre République doit leur apporter cette garantie.

C’est pour toutes ces raisons que, comme l’a déjà exprimé la Première ministre, le Gouvernement est favorable à la constitutionnalisation de l’IVG.

N’en déplaise à l’extrême droite, qui, malgré le vernis qu’elle tente de nous montrer, n’a jamais été et ne sera jamais l’alliée des droits des femmes, nous devons être collectivement lucides : la menace d’un retour en arrière n’est pas une chimère. L’exemple américain, dans le pays d’Elizabeth Cady Stanton, est un avertissement.

S’attaquer à l’avortement, c’est s’attaquer à toutes les femmes, et c’est s’attaquer à la liberté. Le Gouvernement sera toujours du côté des femmes et de la liberté.

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