Intervention de Pierre-Jean Verzelen

Réunion du 19 octobre 2022 à 15h00
Droit fondamental à l'ivg et à la contraception — Discussion générale

Photo de Pierre-Jean VerzelenPierre-Jean Verzelen :

Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, mes chers collègues, avant janvier 1975 – c’était hier –, l’avortement était un délit pénal sanctionné jusqu’à cinq ans de prison. Les médecins pouvaient être condamnés à une interdiction d’exercer et les femmes concernées étaient contraintes de se rendre à l’étranger ou de recourir à des avortements clandestins.

La reconnaissance de l’interruption volontaire de grossesse a été le fruit d’un long combat : on se souvient du « manifeste des 343 » ou de l’acquittement de la jeune Marie-Claire ; on se souvient moins de la première tentative – très encadrée – de légalisation, défendue par Michel Poniatowski, qui échoua en 1973.

À l’époque, ce sujet a profondément divisé la société. Les débats au Parlement se sont déroulés dans une rare violence. Simone Veil, soutenue par Jacques Chirac, par une partie de la majorité et par l’opposition, défendit son texte avec acharnement malgré les attaques personnelles. Son combat était celui de toutes les femmes.

Lors de son discours devant l’Assemblée nationale, elle déclara : « aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement ». Cette phrase est évidemment toujours une réalité : même s’il s’agit d’une décision réfléchie, pesée et assumée, un avortement demeure et demeurera toujours un événement marquant, un drame dans la vie d’une femme.

Suppression de la notion de détresse, allongement des délais d’avortement, remboursement à 100 % par la sécurité sociale… Depuis son adoption, la loi a été largement adaptée et améliorée.

Nous pouvons en convenir, la France n’est actuellement pas menacée d’un retour en arrière sur ce sujet. D’ailleurs, aucune parole crédible, ou reconnue comme telle, ou à tout le moins ayant une certaine audience, ne le réclame ou ne le revendique.

Bien qu’attachés à la protection fondamentale de l’interruption volontaire de grossesse, certains des membres de mon groupe ne voient pas la justification juridique de cette démarche. Ils considèrent qu’il s’agit d’un texte déclaratif, qui n’aura pas d’issue positive ; un symbole qui ne fera pas avancer concrètement l’accès à l’IVG et à l’avortement. Enfin, selon eux, toucher à la Constitution en matière de questions sociétales revient à ouvrir une boîte de Pandore. C’est la raison pour laquelle ils s’abstiendront ou voteront contre cette proposition.

En ce qui concerne l’IVG, force est de constater que toutes les autres démocraties n’avancent pas au même rythme que la France. Au sein même de l’Union européenne, en Pologne, une loi vient de restreindre le droit à l’avortement, qui n’est plus autorisé qu’en cas de viol ou d’inceste.

De l’autre côté de l’Atlantique, la Cour suprême a remis en cause l’avortement : chaque État fédéré est désormais libre de l’interdire – une dizaine d’entre eux font d’ailleurs déjà marche arrière.

À nos frontières, en Italie, Mme Meloni, qui vient de remporter les élections, assume de favoriser le droit à ne pas recourir à l’IVG. Preuve que le combat perdure et que la liberté d’avorter n’est pas acquise, là où nous aurions pu la penser intouchable.

Madame la sénatrice, je ne partage pas certaines des convictions que vous défendez. Votre conception de la société n’est pas vraiment la mienne. Les propos que vous avez tenus plus tôt sont un peu agressifs et culpabilisants, et je ne suis pas certain qu’ils servent de la meilleure manière la cause que vous défendez. Néanmoins, comme d’autres collègues de mon groupe, je voterai en faveur de votre proposition de loi.

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