Non, la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne protège pas positivement le droit à l’IVG. Oui, son inscription dans le marbre constitutionnel, bien plus dur à tailler que le calcaire de la loi, est une protection considérable accordée aux femmes. Beaucoup en rêvent à travers le monde ; on la pleure de l’autre côté de l’Atlantique.
Il est un truisme qu’il faut étrangement répéter, et vous avez raison, monsieur le ministre, de le faire : il est bien plus complexe de modifier le texte constitutionnel que la loi, a fortiori dans notre Ve République rationalisée, où l’exécutif tient le Parlement dans sa main. De l’autre côté des Alpes, malgré sa victoire d’une ampleur inédite, la coalition des fascistes et de la droite n’est pas en mesure de changer la Constitution. C’est un soulagement.
Comme M. le garde des sceaux l’a rappelé, ne prenons pas de risque ! Le funeste destin politique de nos voisins transalpins nous rappelle que si l’IVG n’est pas aujourd’hui menacée dans notre pays, il faut profiter de ce moment pour protéger ce droit avant qu’il ne soit trop tard. Pareille occasion ne se représentera pas de sitôt.
Comment inscrire le droit à l’IVG dans le corpus de droit et de valeurs qu’est notre Constitution ?
Ce débat est légitime. Dans la tradition constitutionnelle française, ces droits et valeurs sont plutôt énumérés dans des textes historiques, qui font la grandeur de notre pays : la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et le magnifique préambule de la Constitution de 1946, textes rattachés au préambule de la Constitution de 1958.
Mais ce n’est pas une exclusive : nombre de valeurs cardinales et de droits fondamentaux de notre République sont énoncés au long des articles de la Constitution, tels que l’égalité, la laïcité, la souveraineté nationale, l’abolition de la peine de mort.
Alors que faire ? Écrire une nouvelle charte des droits des femmes pour compléter la trop masculine Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ? Renforcer l’article 1er de la Constitution, qui assure déjà la parité politique ? Créer un article 66-2 pour interdire l’entrave à l’IVG ? Ce débat est fécond et légitime, mais ce n’est pas celui du jour.
Nous ne souhaitons pas, sur la base de ce texte, engager aujourd’hui un processus de révision constitutionnelle d’origine parlementaire qui déboucherait sur un référendum. Nous souhaitons envoyer un message politique au Gouvernement pour le rassurer et lui signifier qu’il trouvera au Sénat une majorité pour faire adopter un projet de loi inscrivant le droit fondamental à l’IVG dans notre Constitution.
Libre à lui, libre à vous, monsieur le garde des sceaux, de choisir la rédaction qui conviendra le mieux, de convoquer une commission spéciale d’éminents juristes, ou même une Convention citoyenne, pour écrire une charte des droits des femmes.
Aujourd’hui, nous souhaitons que le Sénat se prononce en faveur de ce principe, …