Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, au cours d’un mandat, il y a des prises de parole plus importantes que d’autres, il y a des textes que l’on aborde avec le sentiment que nos mots comptent davantage. Cette proposition de loi constitutionnelle en fait partie.
Le groupe RDPI a, dans sa majorité, cosigné ce texte et, s’il est unanimement attaché au droit des femmes à l’IVG et à son plein accès, c’est en tant que cosignataire que je m’exprime aujourd’hui.
Je viens d’un territoire – la Guadeloupe – où le taux d’avortement, trois fois supérieur à la moyenne hexagonale, est le plus élevé de France. On ose à peine imaginer ce qu’un recul de ce droit pourrait y provoquer.
La proposition de loi constitutionnelle que nous examinons cet après-midi vise à protéger et à garantir ce droit fondamental en l’inscrivant dans la Constitution. Nous l’abordons alors que l’issue de nos débats ne fait guère de doute, même si je souhaite me tromper.
Mais puisqu’il s’agit de prendre rendez-vous, j’aimerais revenir sur les arguments avancés par la commission des lois pour justifier le rejet du texte.
Le premier, d’ordre politique, consiste à dire que le droit à l’IVG n’est pas menacé en France. Il ne l’est pas, en effet, si l’on considère les professions de foi des principaux partis politiques ou même l’attachement des Françaises et des Français à ce droit.
En cela, mes chers collègues, nous vous rejoignons. La vraie question, cependant, est de savoir si le droit à l’IVG sera menacé demain. Cette menace existe aujourd’hui aux États-Unis et, plus près de nous, en Pologne, en Hongrie et même en Italie.
Cette menace, nous la retrouvons dans les propos, actuels ou passés, de responsables politiques qui, s’ils ne s’opposent pas frontalement à l’IVG ou à la contraception, cherchent insidieusement à en écarter les femmes.
C’est ce constat, que nous sommes nombreux à partager sur ces travées et dans notre pays, qui nous amène à contester le deuxième argument soulevé par la commission.
La semaine dernière, elle a estimé qu’une modification de la Constitution ne s’imposait pas et qu’il s’agissait d’une mesure « purement proclamatoire et symbolique » qui ne permettait pas « d’apporter une réponse aux difficultés d’accès à l’IVG ».
Soit. Mais l’enjeu n’est pas ici de renforcer un droit ni même de le rendre plus effectif. Il s’agit d’empêcher un retour en arrière en cas de changement de majorité politique. Peut-être est-ce de la politique-fiction, mais l’actualité nous montre chaque jour que la fiction peut devenir soudainement réalité.
Il s’agit de rehausser le niveau de protection d’un droit, qui fait désormais pleinement partie de notre contrat social, justement consacré par la Constitution, et de rendre plus difficile une régression que la jurisprudence du Conseil constitutionnel ne saurait interdire.
Aucune loi fondamentale ne protège aujourd’hui dans le monde le droit des femmes à avorter. En constitutionnalisant le droit à l’IVG, notre pays ferait également œuvre de pionnier. Fidèle à sa vocation universaliste, il enverrait un message fort aux pays où le droit à l’avortement n’existe pas et un message clair aux pays où ce droit est aujourd’hui bafoué.
Je terminerai en rappelant que la constitutionnalisation du droit à l’IVG ne serait pas exclusive de son inscription dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne que, aux côtés du Président de la République, nous appelons de nos vœux.
C’est dans la perspective de ces combats que nous serons nombreux, au sein du groupe RDPI, à voter ce texte.