Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est utile et nécessaire.
Elle entend en effet donner une définition et un cadre stratégique, légal et budgétaire à l’agrivoltaïsme, au moment même où cette filière se développe et où les acteurs attendent une clarification.
Le texte, après son passage en commission, est composé d’une dizaine de dispositions visant à encourager les projets alliant véritablement production agricole principale et production électrique secondaire, tout en prévenant le risque de conflits d’usages et l’essor incontrôlé de projets alibis.
Pour ce faire, la proposition de loi, telle qu’adoptée à l’unanimité par notre commission, emporte plusieurs évolutions.
Elle crée d’abord un objectif de développement des installations agrivoltaïques, en réservant la priorité à la production alimentaire et en veillant à l’absence d’effets négatifs sur le foncier et sur les prix agricoles.
Elle définit les installations agrivoltaïques comme des installations solaires permettant de maintenir ou de développer l’activité agricole.
Ces installations doivent garantir une production agricole principale et un revenu durable en étant issu. Elles doivent en outre concourir directement à l’un des services suivants, sans porter atteinte aux autres : l’amélioration du potentiel agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas et l’amélioration du bien-être animal.
La proposition de loi crée ensuite pour les installations agrivoltaïques une obligation d’achat et une procédure de mise en concurrence spécifique.
Elle permet aux parcelles agricoles présentant de telles installations de bénéficier des aides de la politique agricole commune (PAC).
Enfin, elle clarifie la procédure d’autorisation d’urbanisme prévue pour les installations agrivoltaïques, en prévoyant un avis systématique de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Un autre garde-fou est la constitution de garanties financières pour assurer le démantèlement et la remise en état des sites, préservant ainsi la réversibilité des installations.
Notre commission a veillé à enrichir le texte, en adoptant une dizaine d’amendements visant à préserver les intérêts agricoles et les compétences locales.
Ainsi, la définition de l’agrivoltaïsme a été clarifiée pour tenir compte des travaux consensuels de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). L’obligation d’achat et la procédure de mise en concurrence ont été mieux articulées avec le droit européen.
Dans un souci de territorialisation, j’ai proposé l’inscription de l’agrivoltaïsme dans la planification nationale et locale, la consultation des acteurs agricoles sur son application réglementaire et l’information préalable des maires et des présidents d’intercommunalités de l’ensemble des projets agrivoltaïques.
Ces enrichissements, qui nous permettent aujourd’hui de disposer d’un texte équilibré et cohérent, n’ont été possibles que grâce au travail effectué en bonne intelligence avec notre collègue Jean-Pierre Decool, auteur de la proposition de loi, que je félicite vivement.
Je salue également le travail de mise à l’agenda de l’agrivoltaïsme effectué par M. Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et par notre collègue Jean-Pierre Moga, auteurs d’une proposition de résolution sur le sujet, adoptée par le Sénat le 4 janvier dernier.
Le texte que je vous présente s’est nourri de ces apports, mais également de la large concertation que j’ai conduite en auditionnant une cinquantaine de personnes – agriculteurs énergéticiens, élus locaux et agents des services de l’État. Nous avons également entendu l’Ademe et l’Agence française de normalisation (Afnor), dont les travaux de définition et de certification font autorité.
Cette proposition de loi, ainsi consolidée, constitue à mon sens un jalon essentiel du développement de l’agrivoltaïsme en France. Cette filière peut être porteuse d’externalités positives pour nos agriculteurs, en leur offrant un complément de revenu et une protection contre certains aléas, notamment climatiques.
L’Ademe recense actuellement 167 projets pour une puissance maximale de 1, 3 gigawatt, mais le potentiel énergétique pourrait être plus élevé. Ainsi, EDF évalue le potentiel des projets solaires en attente à 6 gigawatts et France Agrivoltaïsme prévoit à l’horizon 2050 un potentiel maximal qui s’élèverait de 60 à 80 gigawatts.
Dès lors, on comprend bien l’enjeu de légiférer dès aujourd’hui, d’autant que les installations agrivoltaïques ne sont pas décomptées dans l’artificialisation des sols, de par une disposition introduite par notre commission dans la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience.
Ce texte vise à encadrer l’agrivoltaïsme, pour garantir que l’activité agricole demeure l’activité principale de la parcelle et ainsi prévenir les dérives que nous commençons parfois à observer dans nos territoires.
Il entend aussi simplifier et encourager le développement de projets porteurs d’une réelle plus-value, qui sont nombreux.
Enfin, il vise assurément à répondre au double objectif de la souveraineté alimentaire et de la souveraineté énergétique.
Le texte élaboré par notre commission s’inscrit ainsi dans la droite ligne des travaux antérieurs de simplification des normes en matière d’énergies renouvelables. Depuis 2020, pas moins de 30 solutions de simplification ont été adoptées par notre commission : 10 portaient sur l’hydroélectricité, 3 sur l’hydrogène, 2 sur l’éolien en mer, 7 sur le biogaz et 8 sur l’agrivoltaïsme.
Cette proposition de loi est donc l’occasion, pour notre commission en particulier et pour le Sénat en général, de poursuivre ce mouvement de simplification et de territorialisation, pour développer les énergies renouvelables au plus près des territoires.
Alors que le Président de la République a annoncé son souhait de promouvoir l’agrivoltaïsme, dans son discours prononcé à Saint-Nazaire le 22 septembre dernier, le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, délibéré en conseil des ministres le 26 septembre, est muet sur ce point.
Je souhaite que le Sénat comble cet angle mort. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à adopter largement cette proposition de loi. C’est une occasion unique de légiférer en amont sur un domaine d’avenir, en répondant à la fois aux besoins de soutien et de régulation.
J’invite enfin le Gouvernement, s’il souhaite véritablement coconstruire les projets de loi avec le Parlement, à accueillir favorablement les travaux de notre chambre pour enrichir son projet de loi, sur lequel des amendements seront bien entendu déposés en temps voulu.