Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en peu de temps, le sujet de l’agrivoltaïsme s’est imposé dans nos débats : d’abord avec une proposition de résolution adoptée en janvier dernier par notre assemblée, puis par une mission d’information à l’Assemblée nationale, enfin avec la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.
L’agrivoltaïsme suscite autant d’engouement que de divisions, à raison. Le sujet se situe en effet au cœur de deux enjeux majeurs, celui de la souveraineté alimentaire et celui de la souveraineté énergétique. La question est donc de savoir concilier les deux, de trouver un point d’équilibre qui permette l’encadrement et le développement de cette pratique, sans pour autant faire perdre aux terres agricoles leur fonction première, nourrir. Tels sont les termes du débat ; vous semblez partager ce point de vue, monsieur le ministre.
L’agrivoltaïsme répond à deux objectifs : apporter un complément de revenu à nos agriculteurs et permettre à notre pays d’atteindre ses objectifs en matière de développement de la production d’électricité d’origine photovoltaïque d’ici à 2028.
Ces objectifs sont compris entre 35, 1 et 44 gigawatts. Toutefois, à la fin du troisième trimestre 2021, notre pays ne compte que 12, 3 gigawatts d’installations photovoltaïques et l’on estime qu’il faudrait entre 33 000 et 44 000 hectares d’installations de ce type pour atteindre les objectifs de notre programmation pluriannuelle de l’énergie.
Nous sommes donc en retard et les terres agricoles offrent bien une option supplémentaire qu’il nous faut considérer, mais il faut savoir raison garder. Rapportée à la totalité de la surface agricole utile, la couverture nécessaire en photovoltaïque ne correspondrait au maximum qu’à un pourcentage compris entre 0, 06 % et 0, 1 %.
Atteindre nos objectifs énergétiques doit être une priorité au moment où notre pays fait face à une crise énergétique majeure, mais il ne faut pas le faire de manière anarchique. Ainsi, pas plus tard que la semaine dernière, le journal The Guardian révélait que le gouvernement britannique s’interrogeait sur la nécessité de durcir les modalités d’installation des panneaux solaires sur les terres agricoles.
Il faut donc non seulement garantir que les installations n’auront pas de conséquences sur la production agricole, mais aussi prévoir un encadrement, afin d’éviter que le prix des terres agricoles ne s’envole, ce qui pénaliserait les jeunes agriculteurs. C’est là un réel sujet d’inquiétude dans les territoires.
Je salue le travail de la commission des affaires économiques et notamment son adoption de deux amendements visant à encadrer davantage l’agrivoltaïsme, en retenant notamment une définition proche de celle que l’Ademe avait proposée. Cette définition intègre, entre autres, l’obligation de réversibilité des installations et l’obligation de fournir au moins un service à l’environnement. En vertu de cette définition, la notion d’activité agricole principale devra pouvoir être appréciée au regard de l’emprise au sol, de la production ou du revenu.
La commission a également renforcé le pouvoir des élus en supprimant l’autorisation de principe d’installation des projets agrivoltaïques et en renforçant la territorialisation des projets, notamment via l’information préalable des élus locaux pour tout projet d’installation agrivoltaïque. Ces modifications vont dans le bon sens.
L’examen de cette proposition de loi s’inscrit dans un calendrier très particulier, puisque nous examinerons dès la semaine prochaine en commission et le 2 novembre en séance publique le très attendu projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables. Alors que le sujet de l’agrivoltaïsme reste pour l’heure absent de ce texte, le Sénat l’y réintroduira selon toute vraisemblance sous la forme d’un article additionnel. Cette proposition de loi nous donne donc l’opportunité de mener un travail de réflexion préalable et de poser les bases d’une définition de l’agrivoltaïsme et d’un encadrement juridique pérenne.
Aussi, je souhaite que nous puissions profiter de ces échanges pour trouver un consensus et un équilibre acceptable afin de permettre un développement contrôlé et ordonné de l’agrivoltaïsme, celui-ci ne pouvant se concevoir sans le consentement des agriculteurs, en particulier les plus jeunes d’entre eux – je serai particulièrement vigilant sur ce point.