Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il nous revient ce soir d’examiner la proposition de loi de notre collègue Vanina Paoli-Gagin visant à mieux valoriser certaines des externalités positives de la forêt.
Déposée par le groupe Les Indépendants, ce texte a été examiné dans les conditions du gentleman ’ s agreement, en bonne entente avec son auteur. Il devait en être ainsi, car cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte lourd, que nous connaissons tous : l’augmentation de la fréquence des événements climatiques extrêmes et des incendies qui y sont associés, ainsi que la crise sanitaire due aux scolytes.
Si cette gestion durable ne constitue pas la garantie d’une défense absolue contre tous les dangers qui assaillent une forêt, par définition vulnérable, elle permet de les contenir.
Havre de biodiversité et puits de carbone, la forêt constitue un bien qui n’est pas estimé à sa juste valeur par le marché. La proposition de loi vise ainsi à mieux valoriser certaines de ses externalités positives en incitant, par une réduction d’impôt, les particuliers et les entreprises à donner aux communes et syndicats forestiers pour financer certaines des opérations de gestion de leur forêt. Elle concerne donc à la fois une part importante de la forêt française, les forêts communales représentant près de 15 % de la surface forestière de France métropolitaine, et une part modeste, puisqu’elle ne permet pas de soutenir la gestion de la forêt guyanaise, vaste de 8, 3 millions d’hectares, mais principalement domaniale, donc relevant de l’État.
Nul doute toutefois que la présente proposition de loi va dans le bon sens et apporte une pierre nécessaire à l’édifice. L’ensemble des questions soulevées par la gestion de la forêt nécessiterait sans doute à l’avenir une grande loi sur le sujet. Mais si l’on peut, en attendant, pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile. C’est le sens de la proposition de loi.
Avant d’entrer dans l’examen du texte, j’aimerais rappeler brièvement comment sont gérées les forêts communales et comment est financée cette gestion.
Les forêts communales représentent 2, 8 millions d’hectares sur les 17 millions que constitue la forêt métropolitaine française. Elles sont gérées, lorsque la loi est bien appliquée, dans le cadre du régime forestier. Celui-ci définit les grandes règles qui visent à assurer la conservation et la mise en valeur de ce patrimoine.
Sa mise en œuvre est confiée à un opérateur unique, l’Office national des forêts (ONF), qui est chargé de garantir une gestion durable et multifonctionnelle de la forêt : économique, par la vente de bois ; écologique, notamment par la préservation de la biodiversité ; sociale, par l’accueil du public.
Ce régime repose sur un financement commun des communes et de l’État.
D’une part, les communes versent à l’ONF des frais de garderie, ainsi qu’une contribution annuelle de 2 euros par hectare de terrain relevant du régime forestier.
D’autre part, l’État octroie un versement compensateur, qui vise à couvrir la différence entre le coût pour l’ONF et les contributions des communes.
Le surcoût des actions d’aménagement excédant celles qui sont prévues par le régime forestier est assumé par les communes sur leurs ressources propres, avec le soutien éventuel d’autres collectivités ou de l’État.
Si certaines communes parviennent à se ménager des recettes substantielles, qui vont de pair avec des essences productrices et une culture forestière historique – on peut ici penser aux communes des Landes –, il faut avoir en tête que la gestion d’une forêt n’est pas toujours rentable, tant s’en faut, en particulier lorsque les surfaces sont plus petites et les essences moins productrices, comme en Bretagne ou en Provence-Alpes-Côte d’Azur.
Sur ce tableau de la forêt française vient s’ajouter la crise des scolytes. Elle a entraîné une chute des recettes forestières des communes au moment où elles en ont le plus besoin. On comprend alors que les Assises de la forêt et du bois aient mis en évidence, au mois de mars dernier, le besoin de financements supplémentaires.
Cette proposition de loi arrive ainsi à point nommé.
Elle vise à appliquer la réduction d’impôt au titre du mécénat des particuliers et des entreprises aux dons versés aux communes, syndicats intercommunaux de gestion forestière, syndicats mixtes de gestion forestière et groupements syndicaux forestiers, pour l’entretien, la reconstitution ou le renouvellement des bois et forêts présentant des garanties de gestion durable. Seraient également éligibles à la réduction d’impôt les dons venant financer l’acquisition des parcelles dont la gestion n’est pas nécessairement durable, mais a vocation à le devenir. Cela permettrait aux communes d’acquérir des forêts parfois laissées à l’abandon.
Par anticipation sur la discussion des amendements, je rappelle ici que l’entretien des forêts participe à la prévention et, finalement, à la lutte contre les incendies.
Si le dispositif prévu par cette proposition de loi paraît en partie satisfait, il est, dans les faits, peu utilisé. Il est peu ou pas connu des particuliers et des entreprises, qui préfèrent donner à des fonds de dotation bénéficiant d’une meilleure visibilité. De même, les communes forestières qui disposent de peu de moyens juridiques ne sont probablement pas en état de saisir que les opérations de gestion forestière qu’elles mènent sont susceptibles d’être financées par des dons éligibles à une réduction d’impôt.
La mise sur pied d’un système de financement pouvant s’appuyer sur ces dons serait d’ailleurs lourde et incertaine. Supposant le recours au rescrit fiscal, elle dépendrait alors de l’interprétation casuistique de l’administration fiscale. De ce point de vue, le texte présente une réelle utilité.
Avant d’en terminer, je souhaite lever tout malentendu quant à l’objectif. Il ne s’agit en aucun cas de mettre en place une « privatisation rampante» de la forêt, comme j’ai pu l’entendre ici ou là. La proposition de loi s’attache simplement à soutenir l’action des communes forestières, qui, pour certaines d’entre elles, peuvent se trouver financièrement en difficulté à l’heure où la gestion durable de la forêt constitue un défi sans précédent. Le cœur du financement de cette compétence doit demeurer une combinaison entre les contributions de la commune et le versement compensateur de l’État. En revanche, si les particuliers et les entreprises peuvent « mettre la main à la pâte » et contribuer davantage à la bonne gestion de la forêt, s’ils peuvent ainsi, modestement, ici éviter un incendie, là ralentir la propagation d’un parasite, il faut l’encourager.
Cette proposition de loi n’est pas le « grand soir » de la forêt, mais, je le répète, si l’on peut pousser les particuliers et les entreprises à réaffirmer par le mécénat le lien qu’ils entretiennent avec leur commune et avec leur forêt, on aura fait œuvre utile.
La commission des finances vous propose donc, mes chers collègues, d’adopter ce texte.