Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l’examen de cette proposition de loi, sur l’initiative du groupe Les Indépendants – République et Territoires, s’inscrit dans un contexte particulier, après un été marqué par des incendies dévastateurs.
De tels événements, conjugués à d’autres phénomènes climatiques d’une intensité inédite ou encore à la crise sanitaire due aux scolytes, mettent en lumière les défis importants qu’il nous faut relever pour mieux gérer et préserver ce bien unique qu’est notre forêt. Unique, parce qu’il s’agit non seulement d’un élément constitutif de notre patrimoine, mais aussi parce que la forêt, comme le soulignent les auteurs de la proposition de loi, est porteuse d’externalités positives.
Je pense en premier lieu à la captation de carbone, qui constitue un atout extraordinaire pour accélérer la transition écologique et lutter contre le changement climatique.
Je pense également à la préservation ou à la restauration de notre biodiversité que permettent nos forêts et leurs sols.
Je pense aussi, et c’est un aspect sans doute moins évoqué, mais tout aussi essentiel, à l’apport de la forêt dans le domaine de l’eau, élément majeur de notre souveraineté alimentaire. La forêt est ainsi utile au filtrage et à la lutte contre les inondations.
J’ajoute enfin que la forêt constitue un secteur économique à part entière, employeur de premier plan, à travers la filière forêt-bois-biomasse, qui est créatrice de richesses et source d’innovations. D’une certaine façon, elle permet aux Français, sur un même arbre, et tout en addition, de construire, de se chauffer ou de produire de l’électricité.
Dans cet esprit, afin de construire une vision ambitieuse et partagée pour la forêt française de 2030, le Gouvernement a lancé voilà un an les Assises de la forêt et du bois. Vous en connaissez les tenants et les aboutissants. Avant ces assises, le Gouvernement a installé un certain nombre de chantiers concrets. Je pense au renouvellement forestier à travers le plan de relance, poursuivi par France 2030. Ces moyens avaient manqué depuis des années. Nous pouvons désormais faire face.
Votre proposition de loi, madame la sénatrice, s’inscrit dans cet esprit. Vous en préconisez de renforcer les capacités financières des collectivités propriétaires de forêts, qui représentent 10 % de la forêt française, afin de les aider à répondre à ces défis, par la mobilisation de dons.
Je voudrais le dire de la manière la plus claire qui soit : il ne s’agit ni dans notre esprit ni dans le vôtre de substituer des financements privés à des financements publics, qui demeurent nécessaires.
Il nous semble au contraire que les deux sont complémentaires, comme M. le rapporteur vient de le dire. Nous saluons l’idée de financements de proximité, par des citoyens ou des entreprises qui reconnaissent les externalités positives de leur territoire. C’est bien l’enjeu de ce texte.
Je me dois naturellement de souligner que ce débat devrait plutôt relever d’un projet de loi de finances. Mais c’est aussi l’intérêt de l’initiative parlementaire que d’ouvrir un débat pour faire avancer un sujet, puis d’essayer de le faire cheminer dans d’autres enceintes, à l’occasion de l’examen d’autres textes, afin qu’il puisse prospérer.
Je tiens à saluer le travail du Sénat, du groupe Les Indépendants – République et Territoires, de la sénatrice Vanina Paoli-Gagin et du rapporteur Vincent Segouin.
Je tiens également à souligner le lien qui est fait, à l’issue des travaux de la commission, avec les documents de gestion durable prévus par le code forestier. Il s’agit effectivement de la pierre angulaire de la politique forestière nationale, dans le contexte du changement climatique et pour faire face au risque grandissant des incendies. Je sais le Sénat particulièrement mobilisé sur cette question.
La rédaction choisie permet de répondre avec cohérence aux attentes légitimes de garantie d’une gestion durable et multifonctionnelle.
Par ailleurs, la condition est remplie pour les forêts publiques relevant déjà du régime forestier et d’une gestion par l’ONF. Il faut qu’elle le soit pour les forêts publiques, qui devraient relever du régime forestier et qui n’y sont pas encore.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement accueille votre proposition de loi avec bienveillance et s’en remettra à la sagesse du Sénat.
Je tiens enfin à insister devant vous sur l’engagement du Président de la République et de la Première ministre. Je pense au déploiement des Assises de la forêt et du bois, qui doit être notre perspective, mais aussi au grand chantier national de la reconstruction d’un certain nombre de forêts détruites par les incendies, qui va débuter.
Nous avons un intérêt collectif à expliquer ce que signifie gérer durablement la forêt et les sols forestiers. La forêt est un trésor à bien des égards : biomasse, ressources, biodiversité, services écosystémiques, mais aussi carbone. C’est un potentiel économique que nous devons restaurer. C’est aussi une matière première inscrite dans une filière productive.
Pour terminer, je résumerai ainsi les grands défis devant nous.
Il nous faut d’abord protéger et défendre la forêt contre l’incendie et inculquer cette culture du risque à tous les territoires forestiers, puisque ce risque, désormais, si vous me permettez cette expression, « monte en latitude ».
À cet égard, je salue l’engagement des acteurs de la défense de la forêt contre l’incendie, notamment les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), ainsi que le travail du Sénat, qui a lancé au mois de mai 2022 une mission d’information sur les feux de forêt, menée par les sénateurs Anne-Catherine Loisier, Jean Bacci, Pascal Martin, et Olivier Rietmann sur les feux de forêt.
Adopté le 3 août dernier par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et la commission des affaires économiques, le rapport formule soixante-dix recommandations, regroupées en huit axes, qui alimenteront nos politiques publiques.
Il faut ensuite adapter notre gestion au changement climatique, car la forêt brûle aussi à petit feu, sécheresse après sécheresse, attaque après attaque. Les mesures de renouvellement forestier de France Relance et, à présent, de France 2030 visent à accompagner ces transitions sur le long terme et de façon pérenne.
Il faut enfin l’adosser à des filières résilientes, compétitives et rentables. Le secteur devra faire face à plusieurs enjeux : évoluer et s’adapter à la nouvelle donne des marchés, notamment de l’énergie, dans une vision de long terme, afin de contribuer à la décarbonation de notre économie. Il doit gagner en agilité dans son adaptation aux conditions du marché et de la demande, intégrer les fluctuations de récoltes liées aux impacts des aléas, comme les tempêtes, les incendies, les dépérissements, et adapter les essences aux besoins des massifs forestiers français. Il faut développer enfin ses capacités de transformation et de production de produits plus innovants pour lesquels la demande existe, au regard des tendances de marché, et à plus forte valeur ajoutée, pour décarboner notre économie, notamment dans la construction.
La planification est indispensable pour repenser l’écosystème forestier et fonder une politique forestière efficace. C’est d’autant plus fondamental dans ce contexte de rapide transformation et de changement climatique, où la plupart de nos référentiels techniques sont remis en cause. Je vous remercie de cette proposition de loi, qui permet de tracer un chemin sur l’un des volets de la politique forestière.