Intervention de Pascal Savoldelli

Réunion du 20 octobre 2022 à 14h30
Meilleure valorisation de certaines externalités positives de la forêt — Discussion d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Pascal SavoldelliPascal Savoldelli :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous parlons cet après-midi de la forêt. La forêt, en l’an 500 de notre ère, représentait 46 % du territoire contre 31 % aujourd’hui, avec ses 16, 9 millions d’hectares en France métropolitaine. La déforestation est à l’œuvre en France, même si le patrimoine forestier est davantage préservé qu’ailleurs sur la planète. Il a été préservé, entre 1990 et 2020, par la régénération naturelle. Mais l’intervention humaine est défaillante dans la sauvegarde de nos forêts, qu’elles soient en plantation ou plus anciennes.

Cet inquiétant phénomène s’est renforcé sur la période récente. Le Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (Citepa) estime l’évolution de l’occupation des sols par de la forêt à 5 % entre 1990 et 2019, contre seulement 1 % entre 2010 et 2019.

La situation est paradoxale. Dans son dernier rapport annuel, le Haut Conseil pour le climat relève que « la dégradation significative de la capacité des forêts à capter du carbone a réduit les absorptions de CO2 de l’utilisation des terres, du changement d’affectation des terres et de la foresterie (UTCATF) à leur niveau de 1990 ». En 2017, la capacité d’absorption des puits de carbone s’est effondrée entre 3 % et 4 %, soit trois fois moins qu’en 2005. On recule à une telle allure que l’objectif de 9 % en 2020 est caduc, et celui de 13 % en 2030 est hors d’atteinte. Le législateur est dès lors bien fondé à intervenir pour enrayer ce phénomène annonciateur d’un désastre climatique. La proposition de loi que vous nous soumettez entendait, avant son passage en commission, se focaliser sur les communes forestières, soit à 15 % des hectares forestiers.

Il n’y a rien dans ce texte sur les forêts domaniales ni, plus grave, sur les forêts privées, qui représentent les trois quarts du domaine forestier français.

Nous voterons contre ce texte, qui s’inscrit dans la plus stricte idéologie néolibérale, sans aucune solution nouvelle.

L’exposé des motifs a le mérite d’être clair : « En la matière, l’État ne peut pas tout. Cette proposition de loi répond d’une écologie libérale de progrès, basée sur les innovations et la recherche, ainsi que sur une implication collaborative des secteurs public et privé. » Sans surprise, le texte se borne à envisager deux dispositifs de mécénat, l’un pour les particuliers, l’autre pour les entreprises, le tout payé par le contribuable via les réductions d’impôt prévues. Franchement, pensez-vous qu’il soit possible de sauver les communes forestières en grignotant les recettes de l’État ? Nous ne devrions pas avoir à choisir entre les coupes rases forestières et les coupes rases de nos finances publiques. Vous créez une niche fiscale de plus. Il en existait déjà 180 ; en voilà une nouvelle !

Peut-être l’ignoriez-vous, mais votre dispositif existe déjà : les communes peuvent déjà recevoir des dons des particuliers et des entreprises dans les conditions que vous prévoyez. Le donateur, c’est d’ailleurs une condition sine qua non, indique que son don doit être strictement affecté à l’objet souhaité. En l’occurrence, ici, ce serait le renouvellement et l’entretien des forêts.

J’ai vérifié, c’est une mesure sans contrôle fiscal et démocratique. Il est donné 1, 6 milliard d’euros par des particuliers. Sur cette somme, on ne sait pas quel montant est parvenu à des collectivités territoriales ou à l’État. Par ailleurs, seuls 5 % des entreprises ont consenti à profiter de la niche fiscale de l’article 238 bis du code général des impôts, pour un montant d’un peu plus de 1 milliard d’euros. Il y a donc peu de raisons de croire à un ruissellement nouveau pour les forêts.

Je crois que les fondements idéologiques sur lesquels repose ce texte sont incompatibles avec l’ambition affichée.

C’est toujours le même récit, où les agents économiques seraient mieux à même que la puissance publique de décider ce dont la société a besoin. Il conviendrait pour eux d’arbitrer entre différentes causes. En somme, le capital choisirait ses engagements.

Des gestes librement consentis constitueraient une alternative vertueuse à l’impôt tant décrié, pour mener les défis qui se posent à la biodiversité et au patrimoine forestier. La contribution serait volontaire, au lieu d’être une collecte subie.

Croyez-vous vraiment que les communes forestières manquent de moyens parce qu’elles manquent de dons privés ? Non ! Les communes forestières pâtissent, comme les autres, peut-être plus encore, de la baisse des concours financiers de l’État par la DGF.

Cette baisse, monsieur le ministre, a été de 23, 4 % en moyenne sur la période 2013-2017, mais de 5, 7 % entre 2017 et 2021.

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