Intervention de Pascale Gruny

Commission des affaires européennes — Réunion du 20 octobre 2022 à 8h35
Questions sociales travail santé — Stratégie pharmaceutique pour l'europe - rapport d'information et avis politique de mmes pascale gruny et laurence harribey

Photo de Pascale GrunyPascale Gruny, rapporteur :

En novembre 2020, la Commission européenne a présenté sa stratégie pharmaceutique pour l'Europe. Cette présentation a été suivie d'une large consultation visant à permettre une réforme de la législation pharmaceutique. La Commission doit effectivement présenter ses propositions à la fin de cette année. Il nous a donc paru opportun de proposer que notre commission des affaires européennes se positionne sur ce sujet stratégique en amont de cette prochaine étape.

Les innovations majeures en cours, le nombre croissant de ruptures d'approvisionnement, la nécessité d'assurer la souveraineté sanitaire de l'Union et les prix de plus en plus élevés des thérapies innovantes sont autant de faits qui nous invitent aujourd'hui à réfléchir aux moyens de rendre plus résolue l'action européenne sur le marché du médicament, dans l'intérêt des patients.

Dans cette optique, nous avons analysé la stratégie pharmaceutique proposée par la Commission et vous soumettons aujourd'hui un certain nombre de propositions.

Nous avons organisé notre analyse et nos propositions autour de trois thèmes : la recherche, sans laquelle les médicaments n'existeraient pas ; la production industrielle, qui doit assurer des quantités suffisantes ; et enfin le prix du médicament, qui doit être abordable pour que tous les Européens puissent y accéder.

Je commencerai par évoquer la recherche et la nécessité de favoriser le développement des médicaments de demain.

Il faut tout d'abord se rappeler qu'en matière de recherche, l'Union européenne dispose de compétences propres qui ont permis le développement du programme Horizon Europe, doté d'un budget de 95,5 milliards d'euros pour la période 2021-2027. La Commission prévoit de consacrer 8,2 milliards à la recherche médicale, dont 2 milliards pour la recherche contre le cancer.

Sur ce point, il paraît essentiel d'orienter la recherche vers les besoins médicaux non satisfaits, le préalable étant que la Commission définisse cette notion. Selon nous, les fonds doivent être prioritairement orientés vers des domaines où les options de traitement sont restreintes, où le taux de survie des patients est faible et où l'intérêt commercial est limité pour les entreprises.

Dans notre rapport, nous citons notamment la situation en matière de lutte contre le cancer où le financement de certaines recherches n'est pas pris en charge par le secteur privé, telles que les recherches portant sur la désescalade thérapeutique ou l'association de traitements produits par des laboratoires concurrents, la résistance aux antimicrobiens, en articulant la nécessité de protéger à la fois la santé humaine et la santé animale, et le traitement des maladies rares et des maladies pédiatriques.

Aujourd'hui, la recherche s'appuie sur les technologies du numérique. C'est l'un des objets du programme « L'Union pour la santé » de la Commission européenne : doté d'un budget de 5,1 milliards d'euros pour la période 2021-2027, soit dix fois plus que pour la période 2014-2020, il doit permettre de financer la création de bases de données telles que « 1+million de génomes ». Il doit également permettre de financer le déploiement de nouvelles technologies telles que l'intelligence artificielle et le calcul à haute performance pour soutenir la recherche.

Une difficulté en matière de recherche pharmaceutique tient au manque d'harmonisation des processus de soumission, d'évaluation et de surveillance des essais cliniques menés au sein de l'Union européenne. Le règlement (UE) n° 536/2014 est entré en vigueur le 31 janvier 2022 afin d'harmoniser ces processus.

Il prévoit que les demandes d'autorisation d'essais cliniques soient évaluées en deux temps. L'évaluation médicale des bénéfices et des risques de l'essai incombe à l'État membre rapporteur désigné par le promoteur, puis il revient à chaque État membre concerné par la demande d'autorisation d'évaluer les enjeux éthiques de l'essai. Un avis défavorable lors de l'évaluation éthique permet à un État membre de refuser la demande d'autorisation sur son territoire.

S'il est trop tôt pour mesurer l'impact de ce règlement, il ne résout pas l'ensemble des difficultés auxquelles se heurtent les promoteurs de programmes de recherche développés dans plusieurs États membres. Dans notre rapport, nous citons de nombreux exemples, notamment l'absence de cadre commun régissant les recherches non interventionnelles pour lesquelles une certaine harmonisation paraît nécessaire.

La recherche médicale n'a d'intérêt que si elle profite au patient. Pour cela, il est également nécessaire d'accélérer la procédure de délivrance des autorisations de mise sur le marché pour les médicaments visant à traiter des besoins médicaux non satisfaits.

Nous préconisons dans ce cadre d'institutionnaliser les programmes en faveur des médicaments prioritaires qui sont aujourd'hui développés par l'Agence européenne des médicaments. Ces programmes permettent en effet au développeur de bénéficier de conseils scientifiques en amont puis d'une procédure d'évaluation accélérée.

De même, la révision en continu des données scientifiques, qui a été mise en oeuvre pour accélérer l'évaluation des vaccins contre la covid-19, mériterait d'être étendue à d'autres traitements.

De telles mesures destinées à accélérer la délivrance des autorisations de mise sur le marché doivent concerner les traitements potentiels visant des besoins médicaux non satisfaits et pouvant apporter un bénéfice substantiel au patient.

En parallèle, il faut également permettre d'accélérer la mise sur le marché effective du médicament. En effet, une fois l'autorisation de mise sur le marché obtenue, les États membres doivent encore évaluer l'efficacité relative de ce médicament, puis en fixer le prix et les conditions de remboursement. Cela engendre des délais supplémentaires qu'il convient de raccourcir.

Il importe donc que la Commission organise un dialogue entre les différentes parties prenantes - les autorités compétentes chargées de délivrer l'autorisation de mise sur le marché, les organismes d'évaluation des technologies de la santé et les organismes payeurs - afin de déterminer le plus en amont possible les études qui seront demandées au développeur du médicament et les possibilités d'harmoniser ces demandes.

Enfin, le médicament de demain devra être plus respectueux de l'environnement. Dans ce but, la Commission devra renforcer l'investissement dans la recherche pour développer des médicaments moins nocifs pour l'environnement. Des exigences réglementaires nouvelles en matière d'évaluation des risques pour l'environnement devront être introduites dans la législation.

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